Brest. La brillante noirceur de Mendelson éclaire la Carène
Six années séparent votre précédent disque, Personne ne le fera pour nous, de ce cinquième et nouvel album éponyme, pourquoi ?
Plusieurs raisons à cela. J’ai pris un travail à côté de mon activité de musicien, j’ai donc moins de temps… Surtout, avant de m’attaquer à la musique, j’ai d’abord voulu écrire tous les textes. Or, écrire me prend beaucoup de temps. Ça me prend beaucoup de temps parce que je n’ai pas envie de me répéter, d’écrire la même chose que sur un disque précédent. Je me bats vraiment contre ça.
Des ombres littéraires planent sur ces textes…
Je passe mon temps à lire, plusieurs livres à la fois. Les premiers albums étaient inspirés par d’autres chansons. Ce n’est plus le cas. J’écoute autant de musique, mais je suis moins dans le monde imaginaire de la musique. À une époque, je pouvais être inspiré par une chanson des Smiths, de Manset ou de Sly Stone. J’ai l’impression que cette source d’inspiration est épuisée. Du coup, je vais chercher ailleurs ma nourriture : dans les livres d’anthropologie, la poésie japonaise, un roman russe, etc.
Les ambiances développées dans ce disque sont très sombres, mais jamais déprimantes, on y trouve une énergie revigorante…
Pour écrire, et espérer être entendu, il faut beaucoup d’énergie. J’ai en moi deux personnalités : une très sombre qui porte sur l’être humain, sur le monde tel qu’il va, un regard désespéré. Une autre partie de moi est très énergique et veut en parler, communiquer son ressenti, l’échanger, en faire quelque chose. Les deux sont tout le temps en balance. Et puis, affronter les choses, même quand c’est horrible, ça me donne de l’énergie.
Le travail sur les textures sonores et la mise en espace des sons est très impressionnant…
C’est la première fois qu’on travaillait avec un ingénieur du son depuis 2001. On est tombé sur Stéphane Blaess, un super-mec qui a notamment travaillé à New York avec Brian Eno et au Nigeria avec Fela Kuti. Il a fait en sorte que chaque son fasse sens par rapport à l’autre, mais qu’il ait aussi son indépendance et conserve sa nature, sa beauté propre.
Ce n’est pas un album très porté sur la mélodie…
Je pense qu’on peut faire une musique qui soit belle sans être dans la recherche de la mélodie. Même quand c’est dur, même quand les guitares sont bruitistes, pour moi, c’est beau. Un portrait de Francis Bacon, c’est plus beau qu’un champ de fleur réalisé par un peintre amateur, et pourtant, les fleurs, c’est joli… Mais moi, ça me semble moins joli que certains portraits de Bacon dans lesquels je vois plus de force, de crudité, de cruauté. Ça me fait un effet beaucoup plus puissant.
Vendredi 10 mai, 21 h, le Club, La Carène, Brest, de 12 à 16 € sur place, inclus Pass découverte printemps. Avec aussi Matt Elliott, autre excellent songwriter.
Entretien dans Ouest France
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