Personne Ne Le Fera Pour Nous – Revue de Presse

LA PRESSE A PROPOS DE
« PERSONNE NE LE FERA POUR NOUS »


« Meilleur album de l’année » Bernard Lenoir – FRANCE INTER

« Chanson de l’année : 1983 (Barbara) » François Gorin TELERAMA ffff

« Diamant noir du rock français. Chef d’œuvre absolu. » LE PETIT BULLETIN

« Ecoutez les onze minutes à couper le souffle de 1983 (Barbara). » LES INROCKUPTIBLES

«Peut-être le disque français le plus énorme de la rentrée 2007… Un disque impressionnant, un double album comme presque plus personne n’ose rêver en faire, des textes déroutants et tellement parfaits… Un disque fantastique» 491

«Ce quatrième album est le plus diversifié que la formation parisienne ait conçu. De la douceur à la colère, tout est plus abouti. Et on apprécie aussi les variations de cette voix qui a franchi le cap du parlé/chanté, l’humour et l’esprit de Pascal Bouaziz» A NOUS PARIS

«Mendelson poursuit son œuvre, unique, sans équivalent dans le rock français actuel. Vivement la suite» BENZINE

«Un disque libre» COURRIER CADRE

«Cet album est un combat» GONZAI

«Mendelson est le plus grand groupe français en activité…. Un double album pharaonique parlant aussi bien à la tête qu’au cœur. Un monument dont le sommet dure 11 minutes, et s’appelle 1983 (Barbara) et rend le moindre commentaire indigne. Silence, écoutez» HEROCLITE

«Si quelqu’un m’écoute, qu’il s’y précipite. Le disque est immense, et Pascal Bouaziz, le patron du groupe, écrit comme personne en France, littérature comprise » Olivier Adam – LIBERATION

«Chef d’œuvre. Meilleur groupe français au monde depuis trois albums, Mendelson atteint là son apogée» MAGIC

«On ne pourra que se féliciter de la persévérance du group français le plus attachant et pertinent en activité. Celle ci l’aura ainsi pousser à sortir sa production la plus aboutie à ce jour. Et la meilleure également» MILLE FEUILLE

«A écouter absolument !» MSN

«Un disque qui transgresse les codes de la musique» MTV

«Avec Personne Ne Le Fera Pour Nous, double album infailliblement indocile, Mendelson affirme un peu plus la place à part qui est la sienne sur l’échiquier du rock (en) français – mais aussi de l’industrie du disque, puisque ce disque est distribué exclusivement via le site Internet du groupe »MOUVEMENT

«Faites l’effort de l’écouter ou de le commander sur Internet, ce disque pourrait bien remettre en cause votre insouciance et vous rappelez vos anciennes amours de 1983»
NOUVELLE VAGUE

«Tutoyant encore une fois les sommets, Mendelson délivre une œuvre générationnelle dépressive, intense et tranchante, le meilleur album de rock hexagonal de la décennie » PINKUSION

«La place priviligiée accordée au chant (très travaillé) et aux textes (de haut niveau) rattache cette entreprise à une certaine chanson française et le rapprochement avec Bashung est inévitable. Mais le groupe sait affirmer sa propre personnalité, notamment avec le début du premier disque qui fait la part belle à une pop nostalgique plein de charme» ROCK & FOLK

«Constat d’impuissance généralisé à délimiter l’ampleur de l’œuvre…essentielle, une nouvelle fois» ROCK MY DAY

«Quelque part dans la chanson rock, ce groupe livre un 4ème album époustouflant. Un territoire où se rencontrent free-jazz, éclats de bruits blanc à la Sonic Youth, richesse de la langue française et expérimentation maîtrisée. Résolument original » STUDYRAMA

«Un groupe intègre, sensible, impeccable» UNIVERSALMUSIC

«Mendelson est comme un bon ami que l’on retrouverait après une absence, qui viendrait nous donner de ses nouvelles et des autres, des retrouvailles qui font chaud au cœur » ZATA

« Un des meilleurs albums français de l’année tous genres confondus » – Cyril Sauvageot
FRANCE INTER

«Avec ces forces inouïes de chanson française on oublie même ce à quoi on avait pu penser en écoutant Mendelson (Murat, Louis Chedid, Manset, Baschung, un Katerine triste, Neil Young, le Lou Reed de Coney Island Baby…) 1983 surtout va où personne, que l’on sache, ne s’était encore risqué. Quand enfin son débit s’assèche, on n’a que l’envie de prendre l’auteur dans ses bras» – TELERAMA ffff


MAGIC – OCTOBRE 2007

 

 


 

Telerama n° 3015 daté du 27 octobre 2007

 

 


 


 

PETIT BULLETIN LYON du 5 au 12 septembre 2007


 


 

 


 


“Paradoxes et tiraillements, on peut regretter l’anonymat relatif et disserter à loisir sur le statut de Mendelson, rock social à l’intégrité jamais mise en défaut, méconnus hérauts d’un prolétariat de banlieue, chantres d’une condition humaine sombre et désabusée peut-être, bâtisseurs de chansons-cathédrales et de chansons-ovnis, de monumentales et terrifiantes récitations (auto- ?) biographiques (”1983 (Barbara)“) sur fond d’un rock libre et fier d’audaces. Se plaindre de l’absence de considérations mais se réjouir (légitimement et discrètement) que cette musique ne trouve pas grâce à un plus grand nombre, effrayante perspective de divulgation large d’un univers glacé, angoissant (”Le Sens Commun” en réminiscence d’un premier album coup de poing) et claustrophobe à sa manière… Les désirs d’ouverture (”Personne Ne Le Fera Pour Nous #2” presque vive et entraînante, “Sans Moi” à deux pas de se fondre dans un registre chanson française…) n’y sont que leurres plaisants, l’essence de Mendelson est radicale (”J’aime Pas Les Gens” féroce et noisy, “Dans Tes Rêves” décharnée), foisonnante au point qu’il faille double album pour tenter de la circonscrire. Et c’est encore trop peu, constat d’impuissance généralisé à délimiter l’ampleur de l’œuvre… essentielle, une nouvelle fois.”

 

“Tout le monde rigole, tout le monde rigole” clamait avec ironie Pascal Bouaziz sur le précédent album de Mendelson, Seuls Au Sommet. Le groupe y était d’ailleurs tellement si seul qu’il n’aura même pas réussi à trouver une structure motivée pour sortir le malheureusement bien nommé Personne Ne Le Fera Pour Nous. On se passera du commentaire de rigueur sur l’ineptie de l’industrie musicale qui se permet de snober un groupe aussi précieux, mais on ne manquera pas de souligner qu’à l’heure où Radiohead clame haut et fort son originalité en annonçant In Rainbows en sortie “auto-gérée”, Mendelson ne se paye pas le luxe de les imiter. Car il s’agit bel et bien d’une nécessité. Bref, pas de quoi s’exercer les zygomatiques…
Quel que soit l’avis que l’on puisse avoir sur ce double album (quitte à prendre des risques, autant aller jusqu’au bout), on ne pourra donc que s’incliner devant le courage de celui dont le statut de pur génie des mots s’est confirmé disque après disque, devant son entêtement justifié à ne pas lâcher prise, à vouloir continuer d’y croire. “J’ai toujours su qu’on y arriverait avec le groupe”, affirmait-il d’ailleurs avec un propos frisant donc l’ironie sur Ca N’est Plus La Peine.
C’est d’ailleurs à ce morceau que Scanner nous fait penser, puisqu’il évoque également une rupture, mais cette fois-ci sans amertume, ni ironie, ni vachardise. On tient donc là la plus belle chanson d’amour que Mendelson ait pu produire à ce jour, sur deux accords berçants qu’une distortion furtive viendra à peine troubler. “Comment tu te sens ? Moi ca ne va pas si mal” : les retrouvailles démarrent d’un très bon pied avec ce petit chef-d’oeuvre qui va bien plus loin qu’évoquer une simple peine de coeur…
Mais il ne faudra pas pour autant croire que Mendelson s’est ramolli, l’inénarrable J’Aime Pas Les Gens se chargeant de remettre les pendules à l’heure. Seul Pascal Bouaziz pouvait se sortir avec brio d’une simple litanie de “J’aime pas…”, avec son habituel humour citron. Beaucoup plus basées sur la répétition et les reprises, les paroles semblent avoir pris un nouveau tournant bien loin de l’épique Les Petits Frères Des Pauvres, comme si leur auteur avait décidé de moins amuser la galerie, allant même jusqu’à se faire très inquiétant sur un Le Sens Commun extrêmement glacial.
Epaulé par ses fidèles musiciens (parmi lesquels on retrouve Quentin Rollet et Charlie O.), Bouaziz aura beau se lancer avec décontraction dans un registre plutôt pop (l’ultra-efficace Personne Ne Le Fera Pour Nous #2, l’ensoleillé Une Chambre d’Hôtel) qu’il ne trompera personne : à l’image du format double disque, le contenu est assez exigeant, avec plusieurs titres longs (deux juste en dessous des dix minutes, deux autres qui les dépassent) et très riches, sans user d’artifices fallacieux, avançant parfois presque nu. Sans jamais tricher.
Le premier disque (quelque peu supérieur au second) se clôture d’ailleurs sur un 1983 tout simplement exceptionnel, utilisant le prisme d’une amourette d’enfance pour décrire le microcosme d’une cité anonyme des années 80. Ce qu’une chanson comme Par Chez Nous avait esquissé, 1983 le pousse à son paroxysme et on tient sans conteste le morceau le plus poignant jamais écrit par Pascal Bouaziz.
Ceux qui suivent encore Mendelson savent bien à quoi s’en tenir et on finira même par regretter de commencer à dompter ce contenu un peu lourd a digérer au premier abord, même si il y a tant de détails qu’on pourra y passer des mois sans perdre une once d’intéret. Qu’importe donc si certains trouveront que Personne Ne Le Fera Pour Nous se perd un peu en route par sa longueur. On ne pourra que se féliciter de la persévérance du groupe français le plus attachant et pertinent en activité. Celle-ci l’aura ainsi pousser à sortir sa production la plus aboutie à ce jour. Et la meilleure également. »


”Après étude des rares propositions que lui a offert le monde merveilleux du disque en France, Mendelson a préféré finalement faire “sans”. Mendelson distribue Mendelson. Mendelson n’a pas les moyens de financer un partenariat avec la presse ou avec les radios. Mendelson ne prend pas d’encart publicitaire ni dans la presse, ni dans les rues, ni dans le métro. Vous ne pourrez pas tomber sur ce disque par hasard.”
C’est par ces quelques lignes que je découvrais Personne ne le fera pour nous, le nouvel album de Mendelson. L’ex-découverte prometteuse au talent aujourd’hui confirmé, mais en marge. Et sur les marges dur d’écrire. Dur de garder la ligne Mais Mendelson reste droit dans ses bottes. N’en démord pas, ne lâche pas ses idéaux. Va même jusqu’à les confronter avec la réalité en sortant cet objet de création. Et donne ce double album avec autant de pistes éparses, des champs des rivières des impasses et l’horizon.
Et dieu que ce disque tangue comme une croisière qui aurait rencontré les courants hostiles, navire en danger, SOS en secousses. Dans ces conditions perturbées, besoin de se rattacher à la corde du ponton. Et cette corde s’appelle Fantaisie militaire de Bashung. La même science des mots qui collent au palais avant de claquer aussi sec qu’une main sur le visage. Parce qu’au détour de Crétin c’est une histoire qui surgit, un bout de vie sur le sillon. Qui rappelle le monolithe de poésie qu’est Samuel Hall de Bashung, la lente montée organique et électrique qui s’étend, le mots qui cognent sur la paroi musical. Lorsque les chansons se transforment en contes urbains, comme sur ce 1983 (Barbara) qui n’est qu’une cousine du The Kids de Lou Reed.
«Quant t’auras fini de t’arroser la bite au champagne / Quand décidément tu ne feras plus jamais rire personne/ Qui voudra encore de toi /Qui se souviendra de ton téléphone»
Sur Dans tes rêves, c’est la lente dérive électrique d’On the Corner de Miles Davis fondue dans la noirceur du Démon d’Hubert Selby Jr. Hypnotique chanson.
Et puis c’est un détail mais… Mendelson a sut s’entourer. De l’excellent batteur Sylvain Joasson à Charlie O sur les claviers, Quentin Rollet sur les sax’… Un combo jazz électrique mutant prêt à bondir, mordre l’adversaire. Cet album est un combat (l’excellent pamphlet de J’aime pas les gens) au même titre que le récent Poing perdu de Michniak. Des projets qui devraient s’adresser à la foule mais ne passionnent que des bribes d’individus curieux, passionnés, énervés. En guerre. Et La honte, sur le deuxième CD, c’est une version moderne des Vieux de Brel. Une esquisse en instantané d’une émotion quotidienne.
Je ne sais pas si vous aurez le courage de prendre le temps d’écouter ce disque. Encore moins d’écouter les paroles et le flow de Mendelson. Encore moins d’aller écouter Personne ne le fera pour nous sur son myspace. Personne ne le fera pour vous c’est un fait… Mais il y a l’espoir dans ce disque, et des émotions qui transpirent plus que chez n’importe quel poète prépubère du 16ième arrondissement de Paris.
Le quatrième album n’est disponible physiquement que sur le site http://mendelson.free.fr ou sous formes numériques sur les plateformes de téléchargement payant.”
Bester Langs

“Personne ne le fera pour nous peut-être le disque français le plus z’énorme de la rentrée 2007. Mendelson sort un 4e album disque produit et distribué par Mendelson (ça montre l’état avancé de décomposition de l’ouïe des maisons de disques). Un disque impressionnant, un double album comme presque plus personne n’ose rêver en faire, des textes déroutants et tellement parfaits. Une musique qui traverse les mots, les accompagne et touche sans complexe notre sensibilité en attente, Mendelson est un vrai groupe (de rock !?). Autour de Pascal Bouaziz, guitariste et chanteur, tricoteur de mots on retrouve Charlie O., Quentin Rollet, Pierre-Yves Louis, Sylvain Joasson… et l’on assiste à quelque chose de rare. On a déjà tant dit sur Mendelson, ses influences. En gros et pour simplifier les classifications il est ailleurs dans le paysage de la chanson (rock !?) française.
Il y a cette écriture qui impressionne, qui touche au quotidien, notre quotidien, Barbara et ses onze minutes. Qui ose encore faire une chanson de onze minutes ?
Et puis il y a la musique, l’orgue de Charlie O., le saxophone de Rollet qui prend des allures de free-jazz, les guitares délicates et puis furieuses comme des coups de colère, comme des montées d’adrénaline. Il y a le groove de Crétin, la musique genre Sonic Y, guitares en avant au bord de l’explosion dans j’aime pas les gens, des pointes d’electro/jazz dans Dans tes rêves des rythmes qui basculent du côté du Black Beauty (M. Davis), les percussions, les guitares et le sax de Rollet qui braille, vraiment parfait.
En vérité Pascal Bouaziz (Mendelson) est un mec qui vient de sortir un disque fantastique Personne ne le fera pour nous est disponible sur http://mendelson.free.fr ou téléchargeable sur le net. Qu’on se le dise personne ne le fera pour vous !”
Bruno Pin

“Mendelson est le plus grand groupe français en activité. Aucun snobisme dans cette affirmation et si, en effet, 99,9% de la population n’a jamais entendu parler de la formation de Pascal Bouaziz, on ne peut que déplorer cette tragédie et lutter avec nos maigres armes. Tout comme les nombreuses voix qui s’élèvent ici et là pour crier au génie et conjurer la malédiction. Récemment, l’écrivain Olivier Adam, fan de la première heure, déclarait que l’écoute du petit dernier le renvoyait à Carver, Bashung et Pialat. On ne pouvait mieux cerner le miracle Mendelson : à la croisée de la littérature, de la chanson et du cinéma, le groupe repousse les limites de son art en synthétisant le plus naturellement du monde la force d’évocation des trois disciplines. Personne ne le fera pour nous (l’objet est uniquement disponible sur http://mendelson.free.fr) est une oeuvre totale où la puissance du verbe alliée à la liberté absolue des instruments et de la voix (du rock au free jazz, en passant par la musique africaine, toutes les inspirations affleurent sans jamais se parasiter) déploient une palette émotionnelle hors du commun. Un double-album pharaonique parlant aussi bien à la tête qu’au coeur. Un monument dont le sommet dure 11 minutes, s’appelle 1983 (Barbara) et rend le moindre commentaire indigne. Silence, écoutez.”
Emmanuel Alarco.

Tutoyant encore une fois les sommets, Mendelson délivre une œuvre générationnelle dépressive, intense et tranchante, le meilleur album de rock hexagonal de la décennie. Exagéré ? Pas si sûr.
Alors que la subite – et pas si novatrice, ni audacieuse – émancipation discographique de Radiohead a récemment fait couler beaucoup d’encre, la sortie fin août du cinquième album autoproduit de Mendelson n’a nullement défrayé la chronique. Avec un titre on ne peut plus explicite, Personne Ne Le Fera Pour Nous, la formation emmenée par Pascal Bouaziz opérait pourtant aussi sa révolution à elle, fière et intransigeante, mais plus subie que voulue : sortir un copieux double-album via son site, c’est-à-dire sans recourir aux circuits de production/distribution en vigueur. La bienséance voudrait bien sûr que l’on s’indigne des lignes entières de pareil abandon de la part d’instances plus mercantiles qu’artistiques, mais laissons aux pleureuses de circonstance le soin de refaire le monde à notre place. Regrettons juste ici en préambule que Mendelson (plus de dix ans d’activité et quatre formidables albums derrière lui) ne jouisse pas dans le milieu vicié du disque (la critique semble, heureusement, pour grande partie déjà acquise à sa cause) d’une reconnaissance à la hauteur de son importance, ne profite d’une considération qui puisse suffire à elle seule à lui garantir une viabilité et une visibilité sur le long terme.
Dans un monde meilleur, Mendelson aurait-il pignon sur rue, des badauds plein son magasin, une cohorte de zélateurs au portillon ? Probablement que non, car s’il est un détail qui n’échappera justement à personne, c’est bien l’aspect farouche de ce rock, sa nature radicale. Frontale, rentre-dedans, cette musique déjoue constamment les attentes, résiste aux tièdes pensées, ne s’arrange d’aucun compromis, ne vise pas l’assentiment général. Musique du refus (de chanter comme il faut, de respecter les structures et formats usuels de la chanson, de s’accorder à nos désirs, de plaire à la ménagère de 50 ans, de feindre la tendresse, de nous laver de nos pêchers), elle jette l’anathème sur une société gavée d’elle-même, écoeurante à force de ne plus vouloir être, mais seulement paraître. Et Pascal Bouaziz de rajouter, autant moqueur que rageur, « J’aime pas les journalistes j’aime pas ceux qui les lisent j’aime pas l’actualité (…) j’aime pas les artistes j’aime pas les gens du spectacle (…) j’aime pas la nouvelle chanson française j’aime pas la nouveauté j’aime pas les bandes d’amis », sur le cinglant et génialement ambigu (où s’arrêtent le pensé et l’impensable ?) “J’aime pas les gens”. Une longue décharge de mots électriques répartis entre deux pôles j’aime/j’aime pas, révélant de fait, presque par l’absurde, la dualité d’un monde binaire cantonné dans son quant à soi, ses idées courtes, sa haine de tout, son manque d’amour.
L’absence d’amour, voilà le grand sujet de Personne Ne Le Fera Pour Nous, portrait acéré de notre époque à la dérive, qui se termine sur l’éloquent morceau “Le Monde disparaît” en ces termes : « Je suis un être humain normal je veux être aimé je veux juste être aimé ». Dans la bouche sucrée de certains chanteurs bien de chez nous ces quelques mots prêteraient à sourire, aspiration caricaturale et naïve à une reconnaissance amoureuse salvatrice ; mais dans celle à la fois calme et révoltée de Pascal Bouaziz, ils parviennent à nous bouleverser au plus haut point car, tels ceux d’un épilogue, ils révèlent in fine le sens profond d’une agonie en rien complaisante et attestent, s’il le fallait, de la cohérence d’un ensemble complexe et touffu. Personne Ne Le Fera Pour Nous, succession d’histoires crues à la fin tragique écrite d’avance, bribes d’existence qui enjambent un bonheur toujours fuyant et finissent par se casser la gueule à force de tituber, roman chanté à la première personne sans compassion, écriture hurlée à la face d’une société cloîtrée chez elle, grand livre ouvert parcouru d’un long frisson de vie et de fatalité. « L’Amour existe » crie son auteur en filigrane de tous ses textes, comme autrefois Maurice Pialat dans son premier court métrage, façon de se persuader que c’est encore possible, que l’avenir est devant, alors que, déjà, il a « la nostalgie de [sa] vie future comme si elle n’allait jamais arriver comme si elle était déjà perdue ». Pialat, immense cinéaste auquel on pense en écoutant Mendelson. Même violence dans la description d’une France presque monstrueuse, même orgueil du solitaire revenu de tout, mais qui, toujours, nous tirera vers le haut, même désinvolture dans l’agencement de blocs de temps, même vivacité et précision dans l’écriture, même élan incontrôlé vers l’abîme, mêmes claques données et reçues, même rapport au réel.
Le réel, la belle affaire. Au naturalisme poétique des petits escrocs qui le bradent sur l’autel d’une sincérité bien propre sur elle, et somme toute alléchante, Mendelson sculpte ses chansons fissurées dans un réel à l’état sauvage, sale et dégueulasse. Pas vraiment documentaire, assurément documenté. Pas ripoliné pour faire vraisemblable, mais simplement « vrai ». Pas le réel qui va de soi, le réel en soi. Un réel qui parle, prend sens à mesure qu’il se dessine. Sous la plume de Pascal Bouaziz, le fait-divers le plus sordide est ainsi élevé au rang de tragédie antique (“Le Sens commun”), les souvenirs se transforment en épopée biographique flamboyante (“1983 (Barbara)”, chef-d’œuvre absolu de onze minutes, magnifique déclaration d’amour a posteriori, destin qui se réinvente dans un flux de détails étourdissants, puissance narrative explosive du verbe, mise en son admirable au diapason de l’émotion dégagée par les mots) et la banalité d’une vie de couple périmée prend des allures de fatum atavique (“La Honte”). Rocailleux, le chemin emprunté par le réel mendelsonien mène quelque part, se donne pour horizon un but précis : regarder sans sourcilier ce monde qui nous regarde. A la vanité sociale d’exister, aux rôles que l’on enfile comme des gants trop grands pour nous, Mendelson oppose une existence qui ne peut faire l’impasse sur le regard (« Nous sommes ce que nous voyons nous voyons ce que nous voulons voir » dit-il dans “Le Sens commun”). Un regard qui scrute le réel à la manière d’un scanner (titre du morceau qui ouvre l’album), le découpe en tranches afin de mettre en avant les symptômes du cancer qui le ronge de l’intérieur.
Il serait tentant, pour qui ne goûte pas à l’univers brut de décoffrage du groupe, de l’expédier d’un revers de la main sous prétexte de morbidité gratuite ou de désabusement factice. Réflexe courant de ceux qui n’inspectent dans le miroir que leur belle mine, déni du monde dont on rêve de s’absenter, repli de soi sur soi, pour n’y voir que du feu. Pourtant, à la lisière de la noirceur, brûle chez Mendelson un ardent désir de s’en sortir (le lumineux et quasi tubesque “Personne ne le fera pour nous # 2”). Tremper ses mains dans la merde et les montrer à qui veut bien les voir, certes, mais si cela s’avère libérateur. Mendelson ne fait pas dans le reportage voyeuriste ou le social politisé. Ni revendications démagogiques, leçons de bonne conduite, contestations sommaires et moralisme des insurgés. Pas de footing parmi les vraies gens. Et, pourtant, aucun disque récent n’a su ainsi nous restituer l’obscénité bien réelle d’une époque contrainte, à ce point nostalgique, rivée à sa consommation et son individualisme tous azimuts. Mendelson appartient à cette génération – dont nous sommes – née au début des années 70 qui, à défaut de savoir encore conjuguer son avenir à un futur « mal passé, un futur imparfait » (dixit Bouaziz), voire au présent, aspire à revenir en arrière afin de se lover dans les bras d’un temps doré (Dans tes rêves), quand bien même il ne serait qu’un leurre de plus (« Sans moi », superbe chanson sur une rupture amoureuse qui ne dit pas son nom tout de suite). Nostalgie d’un passé plein de promesses non tenues, mais qui avait au moins le mérite de ne pas bafouer la seule possibilité d’en avoir. Lorsqu’on arrive plus à accoucher de rêves, mieux vaut se coucher alors dans ceux que l’on a déjà faits, « un vieux souvenir de lumière un jour de vacances une maison des volets un chemin une rivière ». Constat lucide et glacial, mais certainement pas définitif.
Il serait proprement inadmissible d’achever ici ces quelques lignes enthousiastes sans aborder le travail exceptionnel de l’ensemble du groupe. De ce point de vue, Personne Ne Le Fera Pour Nous accomplit d’ailleurs un pas décisif dans le trajet de Mendelson. Au plus près de la langue de Pascal Bouaziz, les musiciens accompagnent chaque mot comme ils le feraient des images d’un film muet, donnant à entendre toujours plus que ce qui est dit. Effets de contrastes plus que soulignage servile. La musique de Mendelson ne ronronne pas, elle chahute les oreilles, du côté de l’action, elle provoque, déstabilise, renchérit ou laisse aller. Guitares électriques phobiques (Pierre-Yves Louis et Bouaziz), batterie clandestine (Sylvain Joasson), basse sournoise (Pierre-Yves Louis), piano et Fender Rhodes pleins d’aplomb (Charlie O), saxophone furieux (Quentin Rollet), flûte charmeuse (Francine « Siné ») et Mellotron hanté (Nicolas Becker) décrivent autour des mots un périmètre sonore tout en reliefs et nuances, à rebours d’un rock de petits bras et idées fixes qui dévale la pente de l’anecdotique. Personne Ne Le Fera Pour Nous atteste d’une éclatante variété de tons, de matières et de climats (de la rage autodestructrice de “Crétin” à la douceur reposante de “Sans moi”, le spectre de couleurs a rarement été aussi étendu chez le groupe), que la prise en son direct intensifie. Des seize morceaux de l’album, enregistrés le plus souvent en une ou deux prises, transpire une liberté arrachée à la glu du vérisme. Pas une spontanéité synonyme de n’importe-quoi-pourvu-que-ça-ait-l’air-authentique, plutôt une autonomie réfléchie. Retour du réel sous son versant sonore et musical, immersion au cœur du processus créatif, jeu sans filet nous soulageant de toutes ces subversions conformistes qui inondent habituellement nos tympans. Applaudissons des deux mains et gageons qu’un tel bienfait stimule les sourdes oreilles qui ne semblent entendre que le bruit des sous dans leur porte-monnaie.

 

Je me souviens , la première fois que j’ai écouté Mendelson c’était sur une compilation des inrockuptibles (j’ai fait des recherches, c’était à l’automne 1997), à une époque où ces fameuses compilations trimestrielles étaient presque autant attendues que des sorties albums. Le titre était “Je ne veux pas mourir”, et dessus le groupe répétant jusqu’à l’usure… “Je ne veux pas mourir”. Un leitmotiv plus que jamais à l’ordre du jour avec ce nouvel album sans label, enregistré, produit, distribué sans l’aide personne parce que personne n’a voulu de Mendelson.
Nouvel album, mais toujours cette manière si personnelle de faire du rock, de la chanson, d’écrire des textes, de raconter des histoires. D’ailleurs j’ai toujours pensé que Mendelson avait plus à voir avec la littérature (…voire le cinéma) qu’avec la chanson ; sans doute à cause de cette écriture si narrative, cette façon de raconter des choses pas toujours très gaies, comme des faits divers (on pense par moment à Olivier Adam), ou des microfictions comme dirait Régis Jauffret.
Et “des histoires de vie” il y en a sur ce double album, (”le sens commun”, “Joyeux Noël Jackie”…) Il y a aussi des humeurs, changeantes, par moment cassantes (”J’aime pas”) par moment plus mélancoliques, faites de souvenirs lumineux : “1983 (Barbara)”, peut-être le plus beau titre de l’ensemble.
Disque cabossé, de rock rocailleux, âpre, semé d’embûches, loin d’être immédiat et accessible à tous, “Personne ne le fera pour nous” ne viendra pas à vous (comme Lagardère), alors il faudra aller le chercher, se l’approprier.
Et même si le disque n’attends pas la puissance de “Quelque part” (un de mes albums préféré de ces 10 dernières années), il se révèle sans doute plus complexe et s’appréciera par petites touches, par fragments… pour ne pas craindre l’épuisement.
Quoi qu’il en soit, Mendelson poursuit son œuvre, unique, sans équivalent dans le rock français actuel. Vivement la suite.
Benoît Richard

 


 

A Popnews, les avis sur Mendelson sont pour le moins tranchés : il y a ceux qui aiment, et ceux qui n’aiment pas. Et c’est bien, finalement, en ces temps d’unanimisme mou et de disques « vraiment pas mal » auxquels on ne revient plus après deux ou trois écoutes. Avec le fièrement titré « Personne ne le fera pour nous », ceux qui avaient déjà suivi les épisodes précédents retrouveront en tout cas ce qui fait de ce groupe un cas à peu près unique dans le paysage musical d’ici, en premier lieu ces paroles obsessionnelles qui racontent l’aliénation ordinaire, la folie, la haine, l’ennui, la fatigue de vivre, le vide, le rien. Ce n’est ni vraiment du rock (bien qu’il y ait des guitares, parfois bruyantes), ni vraiment de la chanson (car les morceaux sont plus parlés que chantés, avec ce phrasé à la fois percutant et étrangement désaffecté), ni vraiment de l’expérimental pur et dur. Ce qu’on a entendu de plus proche, c’est peut-être les regrettés Arab Strap – et ils étaient écossais.
Si les textes et la musique creusent toujours aussi profond, parfois jusqu’au malaise ou au rire nerveux, ce double album, lui, revient de loin : terminé à l’hiver 2005, il a tellement intéressé une industrie du disque en pleine déliquescence que Mendelson a finalement décidé de se passer de ses services et de le vendre sur son site en téléchargement et en CD, au packaging sobre et soigné.
S’il fallait ne retenir qu’un seul titre de ce disque monstre, démesuré, hors format (90 minutes sur deux CD, des morceaux qui ne veulent pas finir), ce serait peut-être « 1983 (Barbara) », le plus long justement avec ses 11 minutes et demie. Ce prénom et cette date peuvent faire penser aux « Filles de 1973 », l’une des rengaines les plus agaçantes de Vincent Delerm – chanteur souvent estimable par ailleurs, et portant un prénom sympathique. Ce que raconte la chanson n’est d’ailleurs pas très éloigné : des souvenirs d’enfance et d’adolescence, qui à travers une accumulation de détails très concrets touchent à l’universel, comme si c’était un peu notre histoire qui était racontée. Mais là où Delerm cherchait la connivence avec l’auditeur en déroulant des références en forme de clins d’œil, Pascal Bouaziz ose la première personne, dans un récit où l’on ne sait plus très bien ce qui est réel, imaginé, autobiographique, réinventé, fantasmé – et après tout, qu’importe. On est plus près au fond du très beau « Rue des Marais » de Dominique A, mais sans le mystère poétique, les brumes de l’évocation : ici, les souvenirs s’écoulent comme si l’on avait crevé un abcès, en une logorrhée que rien ne semble pouvoir arrêter.
On écoute ça avec une boule dans la gorge et les larmes aux yeux et on en sort terrassé, lessivé comme rarement. On se dit qu’on n’a jamais entendu un truc pareil, que Pascal Bouaziz, sans jamais faire de la littérature, est peut-être bien l’un des plus grands auteurs français contemporains, et qu’on ne peut décidément pas garder ça pour soi.
Vincent Arquillière


La Voix du Nord – 27.11.2008

On a rarement vu critique aussi dithyrambique à propos d’un groupe français, pourtant presque inconnu du grand public. Tour de chauffe nous donne l’occasion d’entendre Mendelson.Entretien avec Pascal Bouaziz.

De quoi êtes-vous parti pour ce double album, « Personne ne le fera pour nous » ?
« C’était vraiment une envie purement musicale. On avait un groupe qui tournait très bien sur scène, dans lequel alternaient deux batteurs. On a eu l’idée de se mettre dans la même pièce, avec les deux batteurs, et d’inventer la musique tous ensemble. »

Vous avez donc privilégié les prises live, en studio ?
« On n’a fait que du live, et que de l’impro. On est arrivé les mains vides, et on a tout enregistré. Ensuite, éventuellement, on a reconstruit ou rejoué certaines parties. Mais il y a des chansons qui sont des improvisations pures, où c’est venu comme ça tout seul. Ce qui est sur l’album, c’est parfois le moment premier où je chante la chanson, où elle s’invente, où le texte trouve sa place. Pour nous, c’était un peu miraculeux. »

Cela explique-t-il les différences de format : 1:37 pour « Hop », 11:33 pour « 1983 (Barbara) » ?
« Oui, le fait de partir d’un point de vue purement musical, ça permet une très grande liberté. Quand on avait un truc bien qui faisait 1:30, j’en faisais une chanson. Quand on avait un morceau vraiment long, ça me permettait de me lâcher sur l’écriture, de me dire “voilà, là j’ai 11 minutes de musique vraiment très belle, je n’ai qu’à prendre les 11 minutes pour écrire un très bon texte. »

Cela a-t-il influé sur le texte lui-même ?
« C’était à la fois plus contraignant et plus libérateur : si ça marchait sur la musique, peu importait la rime, peu importait la structure, le texte pouvait prendre toutes les libertés formelles. Et comme la musique me dictait les paroles, souvent, c’était quelque chose qui venait malgré moi. Il y a certains textes qui ont surgi un peu comme une écriture automatique. Tout était possible, que ce soit une toute petite chanson folk, ou alors des déluges de guitares… Je me suis découvert, ou libéré, je ne me suis pas du tout censuré. »

La critique met en avant la chanson « 1983 (Barbara) ». Est-elle spéciale aussi pour vous ?
« Pour moi, elle a été la plus dure à faire, la plus difficile aussi à assumer, par sa longueur, et puis son côté très personnel. C’est une chanson particulière surtout parce que beaucoup de gens réagissent dessus, m’en parlent comme d’un choc pour eux. Ça fait très plaisir, il y a des réactions très touchantes, sur cette chanson. Même en concert, je sens que les gens l’attendent et l’apprécient. »

Reprenez-vous sur scène des titres des albums précédents ?
« Le concert est construit autour d’un film, et ce sont les images qui ont conditionné le choix des chansons. On a puisé dans notre catalogue : la moitié du spectacle vient de cet album ; l’autre, des trois albums précédents. » •

Propos recueillis par Catherine Painset


RIFRAF N° 139 – Avril 2008

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Avril 2008

Pourtant bien avancés dans le vingt et unième siècle, il reste encore aujourd’hui des gens pour qui le documentaire et la fiction sont deux points distants, deux entités antagonistes… Le vrai versus le faux, la réalité versus l’imagination, les frères Lumière versus Georges Méliès… Pour d’autres personnes, «documentaire pur» et «pure fiction» sont les deux terminus d’une ligne graduée le long de laquelle on devrait pouvoir ranger toutes les expressions sociales et artistiques: «Matrix», 80% fiction / 20% réel, «Nanouk l’esquimau», 15% fiction / 85% réel, etc. Depuis une bonne dizaine d’années Pascal Bouaziz, tête de proue du navire Mendelson, a mis en place une structure moins naïve et plus complexe d’auscultation du monde et d’écriture de chansons, une structure multidimensionnelle où chaque «je», les moindres «tu», «elle» ou «ils», sont – au minimum – des triangles aux angles et aux côtés sans cesse changeants entre 1°/ l’autobiographie, 2°/ l’observation du réel d’autrui, 3°/ la mise en scène, l’imagination et la fiction. Cinéphile et scrutateur attentif du monde, Bouaziz a compris qu’il n’y avait pas de documentaire sans choix de mise en scène, pas de fiction sans racines même profondes ou longues vers un terreau concret et, enfin, que le «soi» ne pouvait prendre de l’épaisseur qu’en confrontation à l’autre – à sa présence ou son absence. Depuis son premier album «L’Avenir est devant» (sur Lithium en 1997), le chanteur a ainsi diffusé depuis une tour anonyme de la région parisienne – pas nécessairement tour HLM mais, au sens figuré: mirador d’observation, pylône d’émission; et pas à Combs-la-Ville comme un morceau de ce premier album a pu le faire croire – les diagnostics les plus touchants, les plus bouleversants – parce qu’à la fois les plus habités et les plus mats et détachés – de la banlieue parisienne depuis le court-métrage «L’Amour existe» (le plus beau film du monde?) de Maurice Pialat en 1961 («Enfant doué que l’adolescence trouve cloué et morne, définitivement. Il n’a pas fait bon de rester là, emprisonné, après y être né. Quelques kilomètres de trop à l’écart»). Si les signes d’admiration de Bouaziz pour Pialat abondent (en interviews ou dans les paroles de J’aime pas les gens où, aux cinq sixièmes du morceau, juste avant «la Belgique», le regretté cinéaste franc-tireur est le premier à s’en tirer et à faire basculer l’interminable liste du côté des «j’aime pas» au côté des «j’aime bien»), ce n’est pas tant au Pialat impliqué, mais un peu détaché (voix off), voire ponctuellement sociologisant et statisticien («Nombre de microbes respirés dans un mètre cube d’air par une vendeuse de grands magasins: 4millions / Nombre de frappes tapées dans une année par une dactylo: 15millions / Déficit en terrain de jeux, en terrain de sport: 75% / Déficit en jardin d’enfant: 99% / Nombre de lycées dans les communes de la Seine: 9. Dans Paris: 29 / Fils d’ouvriers à l’Université: 3%. À l’Université de Paris: 1,5% / Fils d’ouvriers à l’école de médecine: 0,9%. À la Faculté de lettres: 0,2% / Théâtre en dehors de Paris: 0. Salle de concert: 0»), de «L’Amour existe», mais au Pialat plus charnel des fictions des années septante et quatre-vingts que font penser les textes de Mendelson. Et, par ronds concentriques, les quatre cailloux jetés dans l’eau par Mendelson – en 1997, 2000, 2003, et 2007 – n’ont pas juste mis les mots justes sur la vie dans sa et dans la banlieue parisienne, mais aussi, partant de là, sur celle d’autres banlieues et petites villes de l’Hexagone – sur l’existence de cette France cataloguée «d’en bas» par un premier ministre pataud et hautain, ces vies oubliées dont les médias ne rendent généralement compte que parachutés de leur «France d’en haut», le temps d’un fait divers ou d’un recensement statistique -, puis, bien sûr, quelques centaines de kilomètres plus loin, du malaise et du mal vivre de toute la société de consommation occidentale…

On l’aura compris, les textes de Pascal Bouaziz ne sont pas particulièrement youpla-boum-tsoin-tsoin et on les sent plus proches de la période autrichienne de Michael Hanneke (Le Sens commun où «à force de vivre trop longtemps dans sa tête», un homme «finit par perdre le sens commun», battre une femme et sa fille avant de «[brûler sa maison, sa voiture et partir sans rien]», pour «six mois de vie, six mois de quelque chose de moins que le malheur» fait immanquablement penser à «Der Siebente Kontinent» du Viennois) que de Claude Zidi ou d’Éric Rohmer. Mais il n’y a chez Bouaziz jamais de complaisance ou de surenchère et, contrairement à d’autres grandes plumes sociologiquement visionnaires de la chanson française dont Mendelson a pu être proche, telles que Michel Cloup (Diabologum, Experience) ou Arnaud Michniak (Diabologum, Programme), il ne donne pas l’impression de juger, de se croire plus intelligent que la masse. Même s’il en reste au stade – limpide – du diagnostic et n’enchaîne jamais avec la moindre prescription de remèdes ou le moindre conseil de solutions, il y a chez lui, très présente, une dimension curative et thérapeutique. Par moments, on a envie de fuir la dureté du monde qui nous entoure [cf. ci-contre dans cette sélection saisonnière de médias: Vampire Weekend, Julie Delpy, Calvin Harris, Judd Apatow…]; certains préfèrent d’ailleurs nier la réalité en permanence… Mais d’autres, comme Pascal Bouaziz savent que «on peut fermer les yeux, mais le monde est toujours là» (Personne ne le fera pour nous #2). Et regarder la noirceur du monde, droit dans les yeux, en découvrant qu’on n’est pas si seul qu’on le croyait à le toiser ainsi, aide à (sur)vivre: à soit le supporter, soit le combattre. La lucidité et la clairvoyance de Mendelson nous renforcent. En 2000 déjà, au moment de son second album «Quelque part», il déclarait à L’Humanité: «Je ne fais pas des disques pour divertir, pour faire de la gaudriole. J’essaye de soulager, c’est autre chose. Pourquoi la chanson serait le seul mode de création à s’obliger au festif, à la chansonnette…?».

Mais Pascal Bouaziz n’est pas journaliste ni sociologue, pas juste écrivain, non plus… Il est chanteur et c’est donc dans ce lien entre l’écrit, la vocalisation et la musique que le miracle de «Personne ne le fera pour nous» s’accomplit pleinement. Immédiatement après la teneur et le tranchant de ses textes (le point de vue, le choix des mots), c’est sa manière totalement personnelle de les vocaliser, souvent entre parlé et chanté, qui bouleverse. Il y a régulièrement dans sa diction comme des micro-hésitations qui donnent aux textes une apparence sinon d’improvisation (ce qu’ils ne sont clairement pas) au moins de redécouverte, de fausse première fois. Ces fractions de secondes de blanc, où le chanteur semble (je souligne: semble) chercher ses mots nous suspendent à ses lèvres, maintiennent autrement mieux notre attention que ne le ferait le déroulé mécanique et linéaire d’un ruban textuel bien lubrifié et dépourvu de la moindre aspérité. Ces très courtes suspensions du temps où Bouaziz paraît plus respirant que chantant, nous rappellent qu’en français c’est le même mot qui désigne la composante inhalante de la respiration et l’inventivité de l’artiste à trouver des formes en adéquation avec le contenu qu’il entend porter: inspiration.

Et Pascal Bouaziz n’est pas seul, non plus. Mendelson, c’est aussi un groupe. Et c’est dans le rapport à la musique de ce groupe – correspondance, soutien ou dissonance, mise à distance, effets de surprises – que les personnages écrits et dits par Bouaziz prennent vraiment vie, se mettent à respirer et à vibrer. Sur ce double album sorti à l’automne 2007 mais enregistré en deux sessions à l’été 2004 (l’intervalle ayant essentiellement servi à «épurer, couper, trier» pour passer d’un possible triple à un commercialisable double CD), on ne s’étonnera pas de retrouver le groupe des concerts de l’automne 2004 avec Charlie O. aux claviers et, principale singularité structurelle du quintet, deux batteurs: Sylvain Joasson et Jean-Michel Pirès. Leur manière relativement sèche de faire claquer les coups, la manière très contrôlée de maîtriser la dynamique entre de longs moments retenus et de courtes déflagrations lâchées, fait plus penser à des groupes (post-)rock américains qu’à la majorité des groupes rock français. Mais, contrairement à 95% des groupes post-rock américains dont la «musique» m’ennuie profondément par excès de démonstrations techniques et de formalisme postmoderne («le son pour le son pour le son» ou «la structure pour la structure pour mon ego»), il y a ici une complémentarité entre un savoir-faire sonique et un contenu pas banal à mettre en relief. À ce titre, le quatrième morceau du second CD, La Honte, est exemplaire: au début de la chanson, chanteur et groupe n’ont pas l’air sur le même plan; le chant mixé très à l’avant, les musiciens discrets – presque camouflés – dans le lointain, le téléguidant comme en pointillés, comme en crayonné, jusqu’à ce qu’ils ne se mettent à progressivement combler ce vide pour se retrouver à ses côtés à la moitié du morceau, avant de reculer à nouveau. Et ce mouvement sonique n’est pas une chorégraphie gratuite, pour faire joli ou amuser l’auditeur. Le climax bruitiste du morceau correspond à un des énoncés les plus durs du disque – peut-être à écrire et à dire, en tout cas pour moi, à entendre – parce qu’il touche au mal-être d’un enfant: un fils qui reproduit la honte de son père (cet homme étant le «je» de la chanson), un gamin à table dont les yeux disent qu’il se sent responsable de la séparation de ses parents… Pendant quelques dizaines de secondes, les guitares sauvages et sales couvrent en partie ces mots crus et pénibles, tout en traduisant en stridences électriques ce que les mots qui nous échappent en partie sont en train de nous dire.

Tout du long de ses deux heures et seize chansons, le double album «Personne ne le fera pour nous» impressionne; c’est un disque plein, chargé, honnête, subtil et varié (les constats mats et sans appel évoqués plus haut, mais aussi la miniature instrumentale Micro-Coupures, les plus pop Personne ne le fera pour nous #2 ou Hop ou la parfois «Katerinesque» litanie misanthrope J’aime pas les gens – «(…) J’aime pas les gens qui parlent – J’aime pas les gens qui ont pas de cerveau – J’aime pas les journalistes – J’aime pas ceux qui lisent – J’aime pas l’actualité – J’aime pas les infos – (…) J’aime pas qu’on me dise «on» – J’aime pas la parité – J’aime pas les petites commissaires du peuple… de la pensée – J’aime pas l’innocence – J’aime pas le bon sens – J’aime pas qu’on me donne des leçons – J’aime pas les gens – Les gens, c’est les pires – J’aime pas ce qui me passe par la tête – J’aime pas être comme ça – Je n’aime pas ce que ça reflète – Je ne m’aime pas moi – Je crois pas en l’Europe – Je crois pas au progrès – Je crois pas au lien social – J’aime pas les gens – Les gens c’est les pires – J’aime pas les chanteurs – Les chanteurs, c’est les pires (…)». Morceaux d’une minute trente ou une minute cinquante versus chansons fleuves de huit, neuf ou onze minutes: Mendelson poursuit ici sa libération du carcan de la chanson couplets/refrain de trois minutes entamée dès son second album «Quelque part», enregistré en 2000 avec quelques fortes têtes des musiques improvisées françaises (Joëlle Léandre, Noël Akchoté, Daunik Lazro, Quentin Rollet… ). Le meilleur exemple en est 1983 (Barbara), bouleversante chanson-miracle de cet album-miracle, lovée en fin de premier disque à la charnière entre les deux panneaux du diptyque. Onze minutes trente de film sans images qui, partant d’un souvenir d’histoire d’amour – «(…) 1982 – J’étais si amoureux – J’étais si content d’être malheureux – Je croyais que ça finirait pas – Ça s’est fini tout seul, bien sûr – 1983, moi et elle – Moi et Barbara… – «panote» sur la plus touchante galerie de personnages secondaires, beaux et vrais, que la chanson et le cinéma français nous ont donnés depuis… presque trente ans (peut-être, dans une version plus rurale, depuis «Passe-Montagne» de Jean-François Stévenin en 1978): deux mères, un concierge, d’autres filles, une famille de «plus pauvres que soi», un chien, une fille «bizarre dont on disait qu’elle était en retard», des hippies – jeunes, beaux et sympas – «qui écoutaient de la musique bizarre», les «voisins plus riches des collègues à maman qui vivaient dans les petits pavillons»… «La lutte des classes est un jardin, une table de ping-pong, une chambre pour chacun, une cheminée dans le grand salon, une voiture neuve, un frigo plein, des vacances été-hiver, des chouettes habits…». Un jour, dans vingt ou trente ans, on consacrera des thèses de doctorat – en littérature et/ou en sociologie – à cette chanson-monde qui entre-temps nous donne la chair de poule et nous fait monter les larmes aux yeux à chaque écoute.

Philippe Delvosalle


dominique a tgv

 


figaro amalric