QUELQUE PART – Revue de presse

 

Mendelson avait publié en 1997 un premier album touchant, « L’Avenir Est Devant », remarqué pour ses textes d’une rare originalité et sa musique quelque peu minimale. Trois ans plus tard, le groupe lâche les lions et livre un disque incroyable de puissance et de beauté. La musique explose, les guitares saturées luttent avec des cuivres free, une contrebasse jouée par Joëlle Léandre, grand nom du free jazz français, ou des percussions entêtantes. A la tête de cet ensemble de fous furieux, on retrouve, outre Pascal Bouaziz et Olivier Féjoz (le duo fondateur), le guitariste de jazz expérimental, Noël Akchoté, qui produit l’album et fait hurler son instrument de la plus belle des façons (pas du tout comme Joe Satriani, on l’aura compris). Difficile de comparer le résultat à quoi que ce soit, on ne peut que le conseiller à tous les curieux qui ont un jour ou l’autre craqué sur  » Rock Bottom  » (Robert Wyatt),  » Fun House  » (Stooges),  » Astral Weeks  » (Van Morrison) ou le  » Horses  » de Patti Smith (liste non exhaustive), et qui pensaient jusqu’à aujourd’hui ne plus jamais ressentir ce type d’émotion à l’écoute d’un nouveau groupe. Et puis il faut évoquer les textes, superbes et totalement inouïs dans le petit monde pâlot du rock français (ou pop, variété, chanson, etc), qui parlent de la vie de tous les jours, de l’oppression du travail, de rage rentrée ou d’espoirs abandonnés. Pas drôle ? Si. Évidemment, pour un pays où le comique est majoritairement symbolisé par un Lagaff à queue de cheval et veste rose, c’est un peu rude à avaler. Mendelson s’adresse aux autres, les fabuleux minoritaires.

STAN CUESTA

 


 

A distance raisonnable de la « nouvelle chanson française » Mendelson et Laconic sortent deux albums aux idées larges et au regard pénétrant, quelque part et . Pensées en escalier : les oeuvres de musiciens curieux et observateurs.
Laconic et Mendelson sont voisins mais ne se connaissent pas. Leurs musiques, qui n’ont pas les mêmes traits ni les mêmes occupations, traînent dans des quartiers sonores assez éloignés. Les Pensées en escalier de l’un ne mènent pas forcément au Quelque part de l’autre. Pourtant, entre ces deux disques se dessine, sinon un air de famille, du moins une sorte de courant d’air. On pourrait parler ici d’une chanson française dégagée -de certains réflexes et obligations. Ou encore d’une chanson à sa fenêtre, qui s’ouvrirait à d’autres rumeurs et humeurs musicales, histoire de mieux observer le monde tel qu’il passe et se défait, les gens tels qu’ils vont et viennent. Pascal Bouaziz, qui tient textes, voix et guitares au sein de Mendelson, témoigne d’un goût prononcé pour les conversations à bâtons rompus. Avec lui, il est possible de deviser sur la communauté d’inflexions qui unit Otis Redding et l’Éthiopien Mahmoud Ahmed, sur le lien primitif entre les Stooges, James Brown et Sam Rivers, ou sur les lumières aveuglantes qui irradient les oeuvres de Nick Drake ou de Richard Thompson. A l’époque de son premier album, cette franche ouverture d’esprit contrastait avec sa musique, retranchée derrière sa clôture mi-électrique, mi-acoustique (guitares, contrebasse) et ses paroles hérissées de gris. Des options défensives qu’il suffisait de lézarder pour entrevoir un au-delà, un horizon plus lointain -pour, en somme, se retrouver Quelque part. Le duo qu’il formait avec Olivier Féjoz s’est donc converti en trio un batteur en plus, bienvenu), a appris à respirer sur scène, s’est projeté vers le public au lieu de l’attendre au coin de ses chansons. Aujourd’hui, Quelque part montre que Mendelson n’a pas lâché ses billes – compositions crispées sur trois accords, textes dénués d’esbroufe. Mais, en se laissant enfin prendre au jeu musical, le groupe a gagné en tonicité et en densité. Adeptes du mouvement et de la conquête sonore, Mendelson parcourt aujourd’hui son petit arpent de long en large, jusqu’à lui donner une profondeur de champ que ses premiers pas, trop raides, n’avaient pas su révéler. Une insatiable soif d’espace, étanchée en compagnie de quelques musiciens ivres issus du free, comme Noël Akchoté (guitares et production), Daunik Lazro (saxophones) ou la grande Joëlle Léandre (contrebasse). Leurs cheminements en commun, qui donnent lieu à de vibrantes tensions, ont le bonheur de désenclaver les territoires de la chanson tout en sortant les musiques improvisées de leur casemate. Quelque part est un album entre chien et loup, entre contrôle et débridement, conduit d’une main ferme par des musiciens en quête de dérapages. Cette électricité dans l’air, ces frictions orageuses offrent une caisse de résonance et de vifs contrepoints à des textes qui, de leur côté, refusent obstinément de s’engager sur les terrains du style (pas de lyrisme) comme de l’expressivité (peu de chant). Narrateur plutôt que héros, Bouaziz se fait l’écho des blocages et des bouillonnements d’une humanité lessivée, donne la parole à des personnages rangés sur des voies de garage et qui cherchent confusément à en sortir. A deux doigts de patauger dans les boues du naturalisme, Mendelson s’en extirpe grâce à un maniement plutôt habile du détail et de l’ellipse, qui le distingue d’entrée des pauvres bougres de la chanson néo-réaliste. Il y a chez Bouaziz une façon assez singulière de filmer la vie en plan américain, technique qui a fait ses preuves outre-Atlantique chez Carver, Springsteen et nombre de troubadours country. « Dans ce que j’écris, il n’y a pas de parti pris minimaliste. Une fois assemblés, certains détails font surgir des perspectives plus profondes qu’on ne l’imagine. A cet exercice, Brigitte Fontaine, par exemple, est très forte. Ensuite, on peut dire que mes textes manquent d’esprit critique. Mes personnages, pourtant, ne sont pas dupes. Je n’ai pas d’indulgence par rapport au monde tel qu’il est, mais je ne suis pas là non plus pour prêcher la révolution: Mendelson n’est pas un groupe de reggae français. .. »
Nicolas Haas, alias Laconic, n’a pas davantage pour ambition de partir en croisade contre la méchante société. Lui aussi serait plutôt une vigie du quotidien -ce que Bouaziz appelle une conscience «  » état de disponibilité »: Comme beaucoup de garçons de sa génération, Haas est de ces musiciens qui ont fait un détour par l’image -des études de cinéma, section son, et des musiques de films. Ses chansons l’imposent d’abord comme un monteur subtil doublé d’un authentique créateur d’atmosphères : intriquant instruments joués live et samplés -les guitares et violons de Christian Schreurs, du groupe Venus -, claviers et boucles, elles sont autant de méli-mélo dont il est difficile de dissocier les ingrédients. « I1 y a une certaine méticulosité du désordre. J’aime entendre des grincements, associer des éléments qui ne se combinent pas naturellement, mais je suis aussi très soigneux : pour moi, un disque mal fini, mal mixé, c’est rédhibitoire. J’apprécie aussi que les choses soient fondues pour former un tout. Les samples-citations, les clins d’oeil à Bach ou à Gainsbourg, ça m’insupporte. Il y a sur ce disque des sons dont j’ai moi-même oublié l’origine.  »
Né après trois ans de gestation et un long processus d’ épurement, Pensées en escalier n’affiche aucun des tics de production dont s’affublent tant de musiques d’ameublement -« Quand une idée est bonne, postule Haas, il n’y a rien de pire que de la répéter trois fois.  » Le Français pousse si loin son mépris de la facilité qu’il refuse de se laisser riveter à ses outils de travail, fussent-ils modernes : cet album de chansons électronico-électriques ne l’empêche pas de sortir un disque d’instrumentaux plutôt ambient sous le nom de Primaa, de signer une BO pour des musiciens classiques ou d’imaginer un dispositif scénique qui reformulerait ses Pensées en pièces pour voix, piano et violoncelle. Dommage, alors, que Haas alloue à. ses chansons d’un autre type un verbe parfois trop tendre et surtout une voix qui gagnerait à. se détacher de son ton intimiste, près du micro. Des défauts que l’on espère provisoires, tant Laconic, comme Orly ou son pote Jérôme Minière, a par ailleurs la chic idée de faire fonctionner son regard plutôt que son nombril, de signer des instantanés qui laissent à l’auditeur la liberté d’en tirer une quelconque morale. Jamais à. court de questions, Haas est le genre d’homme qui cherche simplement à. savoir ce qu’il y a derrière les visages, les mots, les fenêtres éclairées des maisons. La musique comme poste d’observation idéal ? Certains y verront peut-être l’aveu d’un coupable désengagement. Chez Laconic plane pourtant le désir de laisser une présence, la trace d’une subjectivité à l’ouvrage.
On suivra donc ces Pensées en escalier comme on ira se perdre du côté de Quelque part : pour goûter aux charmes de deux albums témoins, comme deux loupiotes allumées dans l’ombre portée d’un monde qui, de jour en jour, poursuit activement son devoir d’extinction.
Richard Robert


Mendelson
Quelque part
sortie oct. 2000  (Lithium)

A l’époque de son premier album, la franche ouverture d’esprit de Pascal Bouaziz, alias Mendelson, contrastait avec sa musique, retranchée derrière sa clôture mi-électrique, mi-acoustique et ses paroles hérissées de gris. Le duo qu’il formait avec Olivier Féjoz s’est converti en trio (un batteur en plus), a appris à respirer sur scène. Aujourd’hui, Quelque part montre que Mendelson n’a pas lâché ses billes – compositions crispées sur trois accords, textes dénués d’esbroufe. Aujourd’hui, le groupe a gagné en tonicité et en densité. Adeptes du mouvement et de la conquête sonore, Mendelson parcourt aujourd’hui son petit arpent de long en large, jusqu’à lui donner une profondeur de champ que ses premiers pas trop raides, n’avaient pas su révéler, une insatiable soif d’espace, étanchée en compagnie de quelques musiciens ivres issus du free, – Noël Akchoté, Daunik Lazro, Joëlle Léandre. Leurs cheminements en commun ont le bonheur de désenclaver les territoires de la chanson tout en sortant les musiques improvisées de leur casemate. Quelque part est un album entre chien et loup, entre contrôle et débridement, conduit d’une main ferme par des musiciens en quête de dérapages.
Richard Robert
07 nov. 2000


 

Chronique des Inrocks n° 121
8 octobre 1997

Avertissement liminaire visant à avertit le lecteur (qui en vaut ainsi deux,
ce qui accroît dans des proportions non négligeables l’audience de ce papier)
et à marquer une infranchissable ligne de démarcation: qui traversera au
pas de charge le territoire délimité d’un trait extrafin par Mendelson
risque fort d’en repartir sans rien avoir remarqué des beautés, pourtant frappantes de l’endroit.
Hormis l’imparable hymne à la résistance qu’est Je ne veux pas mourir, ces fiers chants de mal d’aurore préfèrent mourir plutôt que de se rendre à l’évidence. Les inconditionnels du test décisif de la première écoute devront se faire violence car L’Avenir est devant (ce titre est-il bien raisonnable ?) est de ces albums qui se méritent mais qui rendent au centuple le peu qu’on aura daigné leur donner.
Deuxième avertissement: il faudrait voir à ne pas prendre Mendelson
pour une quelconque Samaritaine de la pop. En toute logique, on n’y
trouve donc pas tout. Pas de fil mélodique bien visible auquel se raccrocher,
pas de refrain fédérateur, moins encore de démonstration de force
ramenarde, mais une atmosphère fatiguée de fin de bal perdu qu’installe
une écriture suffisamment singulière et exigeante pour réussir à plaire
sans chercher à le faire. Pour ces quinze vignettes bigrement adhésives,
l’élégance est de rigueur et la rigueur a de l’élégance: des guitares futées
s’abouchent avec des mots affûtés, débités sur le mode parler-chanter
d’un ton monocorde et nonchalant. Loin d’agiter le sinistre spectre de
l’ennui, cette diction laconique sert à merveille la causticité dont
Mendelson fait montre plus souvent qu’à son tour. Et si l’humour pince-
sans-rire de ces noueux drilles déroute jusqu’à la perplexité le temps
d’ Une Dernière , il fait d’irrésistibles ravages à l’occasion d’une Histoire
naturelle réjouissante, prétexte à remuer un couteau grinçant dans la plaie
d’une certaine tendance de la jeunesse française (son vocabulaire de vingt
mots, ses pseudo-provocations minables), ou de Combs-la-ville sa
subtile réappropriation d’un fameux leitmotiv durassien pour dire la
morne réalité de la banlieue. Inutile de préciser qu’on se situe alors à
mille bornes de l’imagerie clinquante et démagogique refourguée à la va-
comme-je-te-nique par les marchands de haine molle. On ne met pas
longtemps à constater que Mendelson n’a pas sa langue fourchue dans sa
poche. C’est une vraie colère qui habite le duo, intelligente et blanche,
qui n’a pas besoin de beuglements pour exister, qui s’avance masquée
sous des airs impassibles pour mieux nous prendre à revers, nous mettre
en joue et, inéluctablement, sous son joug délicieux. On s’aperçoit vite
que ces gens-là savent aussi poser les bonnes questions, tout en ayant
l’élémentaire politesse de n’apporter aucune réponse: « Tant que ca casse je
suis vivant, j’en profite, je suis vivant, mais où sont passés les gens ?
 » A l’évidence, le bruit de ces grelots de rage susurrée ressemble comme un
frère d’âme à celui provoqué à coups de vers brisés par Houellebecq.
Grâce au poète déchiré du siècle de l’emballage, on avait découvert le
sens du combat. On en connaît dorénavant le son.
Jérôme Provencal


«Quelque part» vers ailleurs
Par LUDOVIC PERRIN
Le jeudi 2 novembre 2000

Chez Lithium, les artistes semblent à tel point frappés de neurasthénie chronique qu’il faut s’armer d’antidépresseurs pour les écouter. Signé il y a quatre ans sur le label de Dominique A, le duo Mendelson sort un premier album prenant place dans le courant «nouvelle chanson française». L’accueil de la critique est élogieux mais l’esprit de chapelle suffit-il pour que le «minimalisme» étouffant de l’Avenir est devant séduise le public? «On en a vendu 3 500, confirme le chanteur, Pascal Bouaziz. A l’époque, j’avais envie d’une chose très enveloppante, dans laquelle il fallait prendre la peine d’entrer. Le deuxième album, au contraire, je l’ai voulu direct, expansif, viscéral, qu’il sorte des enceintes pour aller vers les gens.»
Voire. L’objet se nomme Quelque part et son sentiment de violence a été crûment nourri par des figures zélées du free jazz: le guitariste Noël Akchoté, qui a rameuté son beau linge, la contrebassiste Joëlle Léandre et le saxophoniste Daunik Lazro. Akchoté, on lui savait une passion pour la chanson. Il y a une poignée d’années, il réunissait le chanteur Katerine et la comédienne Irène Jacob autour d’une production de la cellule Rectangle. Sur Quelque part, il a également assuré la réalisation artistique. Mais, avant d’enregistrer ces chansons rodées sur scène, il a participé aux concerts de Mendelson, en invité. «Contrairement à Lazro ou Léandre, Noël est présent depuis le début, poursuit Pascal Bouaziz. Eux ne connaissaient pas notre musique. On a discuté des placements, ils ont écouté une fois les morceaux puis se sont lancés. Pour eux, c’est du tac au tac.»
L’influence Joy Division. Sur 14 titres enregistrés en vingt jours de studio (mixage compris), 8 ont été gardés. Chant parlé et roulement de toms de batterie, d’entrée l’empreinte du groupe rock hanté Joy Division marque le Brouillard. Pascal Bouaziz ne fait pas mystère de cette influence majeure. Closer et Unknown Pleasure sont ses albums de chevet, rangés entre les galettes de Robert Wyatt, Albert Ayler, David Mac Neil ou Nino Ferrer. «Les textes de Joy Division sont d’un réalisme rare. Avec un don de médium, Ian Curtis parvenait à mettre en scène les situations douloureuses de la vie, d’une manière brillante, sans jamais essayer de faire de la poésie.»
La poésie, travailler avec les mots, le géant bouclé de 28 ans prétend s’en moquer. Son truc à lui, petit-fils de juif algérien, fils de psychologue élevé à Champigny-sur-Marne, serait plutôt de raconter des tranches d’existence, neuf minutes parfois, sous les cieux anthracite de banlieues mortelles. Tensions familiales, pauvreté affective et boulots misérables sont au centre du tableau. «Mes personnages sont sombres mais je parle de ce que je vois. Pour écrire, j’ai besoin d’un décor et, moi, je n’habite pas les beaux quartiers. En observant la rue, très rapidement, des caractères surgissent. J’essaie de comprendre comment ils vivent, ce qu’ils ont dans la tête. Ensuite ce n’est pas à moi de décider de la longueur des chansons, ce sont elles qui m’imposent leur durée suivant le déroulement de l’histoire.»
Springsteenien. Au regard de ces chroniques, la démarche narrative apparaît sous un angle springsteenien: l’art de faire basculer un destin en une phrase: «Je l’ai rencontrée, j’ai mangé avec sa mère/On a pris le crédit deux semaines après.» On n’est pas si loin du héros de The River: «Then I got Mary pregnant/And man that was all she wrote/And for my nineteenth birthday, I got a union card and a wedding coat» (J’ai engrossé Mary/C’était tout ce qu’elle avait à m’apprendre/Et le jour de mes 19 ans, j’ai eu une carte de travail et un costume de marié en guise d’anniversaire).
Mais, si le Boss vocifère, son émule français se cantonne au talk-over monté en griffe stylistique. Cet univers par trop souvent linéaire se nuance en milieu d’écoute. Pascal Bouaziz module alors sa voix dans les efforts mélodiques de Monsieur, Café tabac ou Une vie tranquille. «La fin est plus lumineuse et j’aimerais que notre prochain disque s’éclaire encore plus.» L’avancée est probable, vue la distance franchie entre les deux propositions de Mendelson, une entité aujourd’hui à géométrie variable.
Six ans après sa rencontre avec Pascal Bouaziz, Olivier Féjoz, contrebassiste et cocompositeur du groupe, fait ses adieux à la vie d’artiste et à ses «2 000 balles par mois». Il prend un «vrai boulot» dans une maison d’édition. Son alter ego, lui, continue à chercher une réponse. «Mendelson se rapproche d’un collectif qui se retrouve autour de mes chansons.».

24 Novembre 2000
CULTURESMendelson, le coup de la grâce ?

Second album pour Mendelson, un duo d’irréductibles Français qui ont su s’entourer de musiciens hors de pairs pour porter des textes d’une brutalité quotidienne sans fards. Une écriture moins radicale que revêche aux fausses joies des ritournelles d’une certaine chanson française.
Y a-t-il une place pour une scène française qui se détacherait aussi bien de sa propre et pesante tradition que des emprunts anglo-saxons de premier degré ? · cette question, le label Lithium, l’un des rares véritablement indépendants, répond depuis un moment par l’affirmative avec des auteurs aussi différents que Diabologum, Dominique A, Programme, ou Mendelson qui nous intéresse ici et qui sort son deuxième album après trois ans de gestation. Visiblement, Pascal Bouaziz, vingt-huit ans, chanteur, guitariste et auteur de tous les textes, aime pourtant les atmosphères qui ont fait longtemps les gammes d’un certain patrimoine. La rencontre se passe dans un de ces derniers bars exigus qui bordent un quai parisien gorgé d’histoire populaire. Un quartier bouleversé. Mais on laissera vite de côté la nostalgie. D’emblée, il met les choses à plat :  » En l’an 2000, il y a encore des gens qui écrivent sur Pigalle. Ça me sidère qu’on en soit encore là, toute cette veine, la chanson réaliste… Il y a d’autres manières de raconter des histoires !  »
Mendelson entend donc tourner le dos à ce qui a longtemps façonné la chanson française. Pascal Bouaziz préfère d’ailleurs parler de rock. Le résultat ? Une musique d’une maturité nouvelle, un chant qui tient du récitatif plus que de la psalmodie et des textes qui touchent au quotidien le plus mat. Cette  » autre manière  » de raconter, Pascal Bouaziz ne cache pas son origine : de Springsteen à Neil Young mais aussi Joy Division, Robert Wyatt, Manset ou Bashung.
Plus que des influences, Mendelson partagent avec ces irréductibles une certaine idée de la liberté et d’une écriture sans frontières qui se défait des racines habituelles. Une liberté qui a poussé le groupe, un duo (avec Olivier Féjoz, contrebassiste) augmenté depuis peu d’un batteur, à s’entourer sur ce deuxième album de quelques-uns des musiciens les plus  » free « , comme on aurait dit en d’autres temps, venus du jazz ou du contemporain : l’éclectique guitariste Noël Akchoté, la splendide contrebassiste Joëlle Léandre ou le saxophoniste Daunik Lazro. Ils sont pour beaucoup dans la puissance sonore, les riches inflexions électriques de ce Quelque part, à cent lieues du premier essai un rien minimaliste. L’ensemble revendique la quête d’une  » osmose texte-musique « .  » Ce que j’écris n’est pas censé illustrer ce qui est joué, ni l’inverse. C’est un travail complet. J’essaie d’être au plus près des personnages. Ils racontent leur vie. Je cherche une fidélité. Tous ces gens dont je parle ne sont pas en train de faire des vocalises dans leur salle de bains. Mais je ne lis pas un texte. Je chante. Même si ce n’est pas de la pop.  »
De quoi, de qui parle-t-on chez Mendelson ? Des histoires donc, comme de brefs scénarios, des parcours d’individus  » croisés parfois dans la rue « , peuplés d’échecs sentimentaux, de solitude, de galères professionnelles, de passés mal digérés, d’espoirs quelquefois, le tout sur fond de crise de société. Mais qu’on ne vienne pas y chercher la moindre trace d’un discours. Pas de prêche.
 » Je suis certes plus du côté des queues à l’ASSEDIC, de la banlieue que de Neuilly, mais je ne n’ai pas de discours sur les gens qui le vivent. J’essaie de raconter leur manière d’envisager la situation. C’est leur vision du monde. Mes personnages, je les comprends. J’écris en me promenant par exemple dans la rue et j’ai la personne avec moi, j’essaie de ressentir ce qu’elle pourrait sentir, appréhender. Ce n’est pas moi. Ce qui reste personnel, c’est le choix de l’histoire et des gens que je raconte.  » Et de citer Brassens, attaqué au moment du Larzac parce qu’il ne prenait pas de position publique et qui avait répliqué :  » Cela fait vingt ans que mes chansons parle du Larzac.  » Pour Pascal Bouaziz, on n’entendra jamais Mendelson écrire une chanson pour la légalisation de la marijuana ou pour la liberté :  » Tout le monde est évidemment pour la liberté.  » Il évoque aussi Cendrars qui, avec la Main coupée, n’écrit pas un pamphlet contre la guerre mais raconte la sienne.  » Ce qui est non seulement suffisant mais nettement plus fort.  »
L’écriture de Pascal Bouaziz serait donc celle du quotidien, même s’il se méfie du terme :  » Quand on prononce ce mot, on pense à détail. Pour moi appuyer sur un détail, ce n’est pas m’amuser avec. C’est entrer dans les histoires que j’écris.  »
La vision du monde de Mendelson ne porte évidemment pas à la gaieté. Ritournelles s’abstenir. Plutôt proche de la dépression ou du cafard organisé et assumé. Mais Springsteen ou Neil Young ne sont pas non plus des virtuoses de la pochade.  » D’abord, je ne pense pas que la vie soit gaie. J’aime bien les gens qui font l’effort de l’être mais en général, c’est dur. Et puis je ne fais pas des disques pour divertir. Pour faire de la gaudriole. J’essaie de soulager, c’est autre chose. Pourquoi la chanson serait le seul mode de création à s’obliger au festif ? La chansonnette… On me parle de tristesse : c’est un jugement un peu français. Dans tous les autres pays, il y a une tradition différente. La country, le blues racontent des histoires dures. Ici, dès que tu t’engages sur ce terrain, on se demande pour qui tu te prends.  »
Mendelson, de fait, ne masque pas un goût sévère pour l’authenticité sans concessions, quitte à rebuter. Pascal Bouaziz l’associe aujourd’hui à une recherche de simplicité, une forme de limpidité :  » Le premier album n’était pas suffisamment clair et des gens sont passés à côté. Certains viennent encore me voir pour me dire qu’ils n’ont pas compris telle ou telle phrase. C’est tout ce que j’ai voulu éviter cette fois. Je voulais quelque chose de plus frontal et d’accessible.  »
On pourrait donc à priori se bloquer face à une telle ambition affichée mais, indéniablement, la musique de Mendelson réussit son pari, soit des chroniques d’aujourd’hui sans racolages et un son qui se dévoile à chaque écoute, parsemé de trouvailles, d’harmoniques, d’effets inédits, d’une épaisseur qui côtoie des univers rarement entendus chez nous.

Didier Rochet


Quelque part, ce serait n’importe où : chez vous, chez moi, en un lieu indéterminé où jouerait ce disque dans le lecteur CD. Ou alors, ce serait l’espace où évoluent les personnages inventés par Pascal Bouaziz, leader de Mendelson, des personnages errants dans un espace sans nom. No man’s land, banlieue, peu importe le nom, il suffit de savoir que ça a lieu quelque part. Quelque part « dans le fleuve de boue près de la voie ferrée » où dans l’appartement, n’importe lequel, indifféremment : « là c’est la table de la cuisine, là c’est la chambre avec le lit. » Mais au quelconque du lieu (une maison de retraite, un parc, une cuisine), au quelconque des vies décrites et vécues (« Je prends la voiture à sept heures du matin, et tous les jours et toute la semaine », « Je l’ai rencontré, j’ai mangé avec sa mère, on a pris le crédit deux semaines après »), la lente énumération des faits rend leur aura à ces lieux et à ces moments oubliés, et le narrateur écrit une véritable histoire des vaincus, sans aucun esprit de revanche. Dérisoire, anecdotique, le quelconque devient éminemment singulier, important, et si la lumière de ces tranches de vie est grise, grisâtre, la voix de Pascal Bouaziz les fait briller, les sort de l’ombre, pour des moments d’éternité gravés dans le métal.
Quelque part, ce serait les limbes, là où vont les enfants morts sans baptême, dont l’unique faute est le péché originel, et dont la peine « ne peut être une peine afflictive, comme celle de l’enfer, mais uniquement une peine privative, telle que l’absence perpétuelle de toute vision de Dieu » (Giorgio Agamben, La Communauté qui vient). Peuple nul et sans but, errant entre deux mondes, il mène une vie tranquille, « une vie tranquille et sans problème », demeurant sans souffrance dans l’abandon divin. « C’est très dommage et puis c’est très banal. » Comme les personnages du livre d’Antoine Volodine Des anges mineurs, les personnages simili autobiographiques de Pascal Bouaziz sont des anges mineurs, d’après le jugement, d’après la faute et la justice.
Les confessions ou monolinguismes de ces personnages indistincts se découpent sur une musique acoustique et organique tout en variations d’intensité, plages monotones et accélérations, grincement et frottement des cordes, du bois, souffles et sobres métaphores musicales, les arrangements n’empiétant jamais sur la narration, en un merveilleux équilibrisme. « Quelque » musique aussi : pas rock, pas jazz, pas folk, inqualifiable, inouïe. L’art de la mesure de Noël Akchoté, à la production, et la retenue des musiciens (Joëlle Léandre à la contrebasse, Emmanuel Bacquet et Daunick Lazro aux saxophones, Charlie O. à l’orgue, le complice des débuts Olivier Féjoz à la contrebasse) forment un canevas virginal de sons sur lequel se peignent les histoires d’un narrateur à la voix terne, mais toute de matière, dense et intense dans son relâchement.
« Cette vie est très belle et très triste », « Il devrait y avoir quelque chose de mieux quand même », « Je ne sais pas comment on fait… » : ces voix résonnent longtemps après leur extinction. On ne dira pas d’elles que peu importe qu’elles soient, que peu importe qu’elles soient entendues. Mais que telles qu’elles sont, justement, il importe qu’elles soient. Et il importe qu’elles soient entendues.
Wilfried Paris

Pour son deuxième album sur le label Lithium, Pascal Bouaziz insuffle à la chanson française un certain sens de la narration, un don pour raconter des histoires, des histoires singulières portées par une voix singulière. Rencontre avec le leader de Mendelson.

Chronic’art : A quels processus a obéi la composition des morceaux ?
Pascal Bouaziz : Il n’y a pas de règles. On travaille un morceau, qui peut en amener un autre, ou qui peut amener des textes, ou des fois ce sont les textes qui amènent une ambiance musicale. Tout se fait en même temps, en concurrence, et parfois ça coïncide, ça tombe ensemble. Il faut que la musique tienne debout, que les textes tiennent debout, et d’un coup ça se fond. En même temps, c’est normal que ça marche puisque je travaille avec Olivier, qui me connaît bien, qui connaît bien les textes. Mais c’est vrai que pour cet album, j’ai passé beaucoup plus de temps sur les textes que sur le précédent.

C’est vrai que la musique et les textes collent bien ensemble. Vous avez travaillé particulièrement cet aspect ?
On a tellement joué ces morceaux en concerts, on les a tellement répétés, que petit à petit ils forment vraiment des blocs unis. On n’a pas l’impression que je pose mon texte sur la musique, parce que ces chansons ont beaucoup été travaillées. Et c’est aussi une question de goût personnel : je n’ai pas envie qu’on entende un texte plaqué sur une musique, sans correspondances, car c’est souvent maladroit. Je voulais que ce soit plus viscéral, que ça ait du corps. Après, c’est une question de travail. Par exemple, pour Le Brouillard, Olivier a trouvé une ligne de basse que je trouvais super, et puis en rentrant chez moi dans mon train de banlieue, j’ai repensé à la ligne de basse, et ça m’a donné cette idée de texte qui fonctionnait bien. Miossec disait qu’il était obligé de faire rentrer son texte avec un chausse-pieds dans la musique, moi si je dois faire ça, je change de métier. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas retravailler son texte d’après la musique, mais il ne faut pas le forcer, parce que sinon ça donne des trucs pas très naturels, et du coup, moins forts. Le Brouillard est un texte qui m’est venu très rapidement, comme un flash, mais après il y a trois ans de travail pour organiser ce texte, pour tout rendre cohérent à partir de ce décor, ce personnage qui marche dans un décor particulier.

A l’écoute de ce morceau, on a l’impression d’une succession d’associations d’idées.
Quand j’écris je n’ai pas d’idée, de concept en tête. C’est extrêmement naturel, j’ai l’habitude de réfléchir pas mal sur les livres que je lis, les films que je vois et sur les gens autour de moi, et une chanson comme Le Brouillard vient de ces observations. Ca commence comme un film, avec un œil fictif, une caméra, qui surplombe le paysage, et d’un coup, il y a un train qui passe dans ce paysage, et hop, la caméra rentre dans le train. Ensuite, dans le train, il y a un personnage qui voit les fenêtres des immeubles allumées, et on se retrouve dans la cuisine d’un immeuble. Donc il y a des déplacements dans l’espace, comme au cinéma, et ensuite aussi, des coupures, des changements brusques de points de vue, comme un montage. C’est une bonne entrée en matière pour l’album, on s’est dit très vite que ce serait la première chanson du disque.

Du coup, ce disque fait un peu disque-cerveau, comme il peut y avoir des films-cerveaux…
Non, pour moi, ce n’est pas un disque-cerveau, parce qu’il ne s’agit jamais de la même personne. Ce sont des personnages. Si je suis dans une disponibilité d’esprit propice, j’imagine très facilement les vies des gens, je me mets à leur place. Par exemple ce laveur de carreaux là, qu’on voit dans la rue, je vais me demander où va-t-il ? sa vie c’est quoi ? où habite-t-il ? qu’est ce qu’il a dans la tête ?… Depuis que je suis tout petit, je me pose ce genre de questions. La seule phrase du dernier album de Murat que j’aime bien, c’est « Comment font les gens ? », dans une sorte de stupeur : « Comment font ils ? Comment arrivent-ils ? » Dans mes chansons, on est donc chaque fois du point de vue bien particulier d’un personnage. Ce ne sont pas des mots artificiels plaqués sur des musiques, mais la voix de ce personnage-là précisément. Je ne garde pas forcément ce qui me fait le plus plaisir à écrire, mais ce qui est le plus cohérent avec le personnage que j’ai posé. Il se trouve que ce sont des personnages que je peux comprendre parce qu’ils me ressemblent un peu, mais j’essaye de me placer à chaque fois de leur point de vue, avec leur vocabulaire particulier.

Jusqu’à quel point ces histoires sont-elles autobiographiques ?
Elles sont autobiographiques parce que c’est moi qui les écris. C’est vrai que monsieur Pinto et monsieur Sebolo, ces deux personnages annexes de la deuxième chanson, je les ai connus, et leurs histoires sont vraies. Mais le personnage qui les rencontre dans la chanson, ce n’est pas moi. Même si je le comprends très bien lui aussi, il ressent des choses que j’ai pu ressentir.

Et la tyrannie du monde du travail que tu décris dans Monsieur, c’est quelque chose que tu as connu ?
Oui, c’est du vécu à 100 %. J’ai fait laveur de carreau, j’ai passé le balai dans une cour d’école pour enfants handicapés, j’ai lavé par terre, j’ai bossé à MacDo, j’ai fait de la saisie informatique, j’ai fait toutes les conneries où on ne me demandait pas de diplômes. Jusqu’à ce j’arrive à écrire des chansons. Et même après, j’ai écrit Monsieur alors que je travaillais dans un bureau, huit heures par jour. Mais ce n’est pas cette expérience qui rend mes chansons plus sincères. Si les aspects autobiographique desservaient la cohérence de l’histoire et des personnages, je ne les mettrais pas. Springsteen n’a jamais travaillé de sa vie, ça n’enlève aucune légitimité à ses chansons sur les travailleurs, elles sont tellement sincères. Il y a des choses personnelles dans mes chansons, mais elles doivent servir les personnages. L’expression de mon moi ne m’intéresse pas, si elle n’est pas sublimée, si elle n’est pas travaillée, je m’en fous complètement. Je ne me permets pas de raconter des choses autobiographiques juste parce qu’elles sont autobiographiques, en croyant que ce sera intéressant.

Il y a des moments un peu psychiatriques dans certaines chansons. Des description qui peuvent évoquer des hôpitaux, des asiles…
C’est peut-être parce que les personnages parlent, parce qu’ils prennent la parole. Mais moi, je n’ai aucune fascination pour les autistes. Mon père travaille avec des malades mentaux, et je sais ce que c’est. Ce sont des malades, c’est tout. Mais c’est vrai que les personnages sont des gens qui ne vont pas très bien. A la fin de Quelque part, le personnage a accumulé trop de choses, et à un moment, il pète les plombs. Eh oui, il est en maison de repos. Mais si je ne dis pas « maison de repos » dans la chanson, c’est parce que je ne veux pas que les gens entendent « maison de repos ». Il est dans une chambre blanche. S’il disait « je suis à l’hôpital », ce serait grotesque. Lui, il n’a pas le sentiment d’être à l’hôpital. Il est dans un endroit calme, où les gens sont gentils.
On a souvent l’impression que tu t’adresses à quelqu’un, un espèce d’auditeur idéal.
Soit le narrateur parle aux personnages, soit les personnages se parlent à eux-mêmes, soit ils parlent à l’auditeur effectivement. Comme quelqu’un accoudé à un bar qui te raconte sa vie. Mais c’est vrai que j’ai envie qu’il y ait une communication entre ces personnages et les gens qui écoutent ce disque. Que ce soit un disque de soulagement pour certains par exemple. Je n’assène pas des vérités, je raconte des histoires et j’ai envie que les gens se sentent touchés. Je ne fais pas les disques pour moi, ce n’est pas un disque thérapie, comme certains peuvent en faire. Si je veux faire une thérapie, je vais voir un analyste. Si je fais de la musique, c’est pour les gens.

Le côté narratif de tes chansons implique une temporalité particulière, proche de celle de la littérature d’une certaine manière. On se sent happé par la narration, comme si on lisait un livre…
Pour moi, ce n’est pas un objet littéraire. Ce sont des chansons, même si je raconte des histoires. Si on te raconte bien une histoire, tu te sens attrapé par la narration. La country, c’est des histoires, et on ne dit pas que c’est littéraire. Moi, j’ai voulu retranscrire ce que je vis quand j’écoute de la musique, effectivement l’impression d’être happé par la musique et les textes. Je ne fais pas de l’easy-listening pour cocktail, je veux que les gens écoutent la musique. Pour notre premier album, je disais « on a fait tellement d’efforts pour produire cette musique qu’il faut que les gens fassent aussi des efforts pour l’écouter ». Mais là, je ne voulais pas que les gens fassent des efforts, je voulais que le disque rentre chez eux, qu’il se projette dans la pièce, vers eux. Je trouve ça chouette que tu aies eu l’impression d’être happé par la musique, ça veut dire que j’ai réussi ce que je voulais faire, je le prends comme un compliment.

Propos recueillis par Wilfried Paris

JOE LE MEROU – « LA DISCOTHÈQUE IDÉALE »
 

Mendelson (à priori rien à voir avec le compositeur classique) était resté dans nos petits carnets avec un terrible album qui avait constitué une superbe face B à l’album de Bashung  » Organique  » sans jamais nous décevoir, nous faisant même partager ce bonheur égoïste de connaître un des meilleurs groupe français inconnu en devenir.
N’attendant rien d’eux (vu leur peu d’espérance commerciale), c’est plein du bonheur de quelqu’un qui revoit un vieil ami que l’on découvre ce nouvel album qui nous annonce que si l’  » Avenir est Devant « , il ne peut qu’être  » Quelque Part « , sans autre précision.
Et c’est vrai que c’est cette absence de repère fiable qui nous plaît chez Mendelson, aucun autre groupe français actuel ne peut se permettre de nous entraîner dans un univers aussi étrange et pourtant si familier.
Les personnages décrits sont en effet aussi banals que vous et moi, peut-être plus banals encore ce qui créé leur intérêt.
Car ne vous attendez pas ici à de vulgaires histoires d’amour, celui-ci n’est ici relégué qu’au rang de symptôme d’un malaise social. L’homme banal par excellence ne croit plus à l’amour et ne vit plus que raccroché aux épiphénomènes qu’il observe dans son quotidien.
Ces histoires déprimantes – mais tellement réalistes – n’existe que par la voix d’un chanteur (si peu) particulièrement attachant tandis qu’un orchestre élargi (par rapport au premier album) se lance régulièrement dans des improvisations quasiment free jazz.
Et c’est parfois un tel déluge aussi bien sonore qu’émotionnel que ces chansons en deviennent difficiles à écouter. Les paroles peuvent être d’ailleurs particulièrement traumatisantes… Ou tout simplement justes…
 » La solitude avec les années, ça finit par ne plus rien dire « …
En résumé, un album d’artistes profondément atypiques, avec un discours particulièrement intéressant, qui restera dans le paysage souvent monotone de la chanson française.
A écouter :
*  » L’Avenir Est Devant  » : jamais premier album n’aura aussi mal porté son nom tellement les paroles laissent supposer le contraire. Et pourtant, ce terrible constat s’accompagne de chansons – et de terribles paroles – qui se gravent de façon indélébile dans notre mémoire.