Seuls Au Sommet – Revue de presse


 

Les Inrockuptibles du 22 Octobre 2003 – N° 412

Exigeant sur les mots comme sur la musique, un rock français à cran.
Seuls au sommet: c’est pourtant au rez-de-chaussée d’une tour d’ivoire que Pascal Bouaziz continue d’observer, avec sa fulgurance, son humour absurde et ses yeux tendres, les hommes qui passent. Mais la force de Mendelson, c’est que les mots n’ont jamais le dernier mot: aucune priorité, comme trop souvent dans la chanson littéraire d’ici, n’est accordée aux paroles sur la musique. Cette haute exigence avec laquelle Pascal Bouaziz échafaude ses textes, on la retrouve dans des compositions qui depuis le précédent Quelque part, ont perdu en raideur, en apprêt, ce qu’ elles ont gagné en fluidité, en légèreté. Surtout, après avoir accueilli de manière un peu trop ostentatoire la « liberté » sur Quelque part comme si des musiciens de free-jazz pouvaient ouvrir toutes les serrures -, Mendelson l’a cette fois plutôt séduite que convoquée. Elle prend ses aises sur Seuls au sommet, impose ses sautes d’humeur. Ici une guitare électrique et ténébreuse, suffira à porter les fables horizontales. Là, il faudra un orchestre savant et complexe pour contredire un texte saugrenu. Au lieu de les tenir à distance – et donc de s’ auto-mutiler -, le groupe accepte ici la visite de ses influences, les mélange même entre elles. D’un rock brutal à un folk frugal, d’une pop de chambre a une chanson de chanvre, tous les pacs sont ainsi encouragés. De ces alliances, Mendelson tire treize chansons imprévisibles, qui développent sur la longueur et avec cran, des ambiances douces-amères, sophistiquées et pourtant malades, hyperréalistes et pourtant goguenardes.
Un exploit rarement réalisé depuis que Lou Reed a quitté Coney Island Baby.

Simon Triquet.


 


Libération du 17 octobre 2003

On est loin de l’intimisme dépressif de Mendelson à ses débuts. Dire que, dans leur troisième album, Pascal Bouaziz et sa bande s’esclaffent à gorge déployée serait exagéré et hors de propos. Si l’intention n’a guère varié – livrer sous tension électrique un quotidien glauque de banlieue -, l’emballage, lui, a changé. Il s’accompagne désormais, pour l’ancien groupe du label Lithium, de climats et d’un esprit en apparente légèreté. Et dès le titre, Seuls au sommet , qui ironise autant sur la singularité d’une démarche sans concessions que sur une façon d’envisager la reconnaissance plus sous un angle artistique que commercial. Aux lisières de la pop, guitares, orgues et batteries se placent en contrepoint lumineux de l’album précédent Quelque part , baigné d’atmosphères étouffantes en compagnie des fines lames du jazz contemporain, Noël Akchoté et Joëlle Léandre. Découpé comme à l’ère vinylique en deux faces virtuelles (C et D), ce nouveau disque continue de transposer ces chroniques à l’américaine, road movies parlés-chantés dont la simple vue des textes interminables suffit à donner le vertige. Une troisième voie entre le récitatif et la chanson rock qu’on pourrait qualifier d’extrême.

Ludovic Perrin


MAGIC N° 75 – Octobre 2003

Seuls Au Sommet mais peut-être pas Seuls Contre Tous. Pour qui est prêt à écouter sa musique comme la bande son d’un trajet en mobylette, qui s’achèverait par une panne d’essence au beau milieu d’une ZUP de Nancy ou Caen, en plein hiver pluvieux et sur le chemin d’un poste d’intérim sordide, Mendelson sait se faire généreux . Ce collectif à géométrie variable regroupé autour de Pascal Bouaziz réserve toujours des sommets d’ironie dépressive que n’égale pas forcément la cohorte des auteurs en vogue exploitant mollement la tendance piss-vinaigre de la littérature française. Après un premier album (L’avenir est devant) fait de miniatures désenchantées et un deuxième (Quelque Part) assemblé en longs blocs menaçants, Mendelson publie aujourd’hui un troisième effort aux sonorités parfois plus charnelle, dont les courbes font la part belle aux possibilités musicales du groupe. Enregistré au petit bonheur la chance, ce disque est néanmoins porté par une production à l’envergure impressionnante. Le goût pour les longs morceaux un peu désarticulés et un amour presque militant pour la scorie, en ces temps de triomphe absolu de la culture du robinet tiède, n’empêche d’ailleurs pas Mendelson de détenir quelques hits en devenir, comme Je Me réveille (tube potentiel) Ou Tout Refaire. Quand Mickey 3D reste à ce groupe ce que BRMC est aux Stooges et que tant de musiciens cherchent à nous rassurer, Mendelson, lui au moins, sait nous inquiéter en charriant une bile noire vertigineuse. Seuls Au Sommet est un disque à acheter comme un remède à l’apathie, qui serait sûrement l’un des premiers à n’être plus remboursé par les nouvelles lois sur la sécurité sociale.

Julien Welter.

 

 


NEWCOMER N° 38 – Octobre 2003

Pas un album facile, il faut le dire dés le début. Afin de réussir à rentrer dans ce disque, il a fallu plusieurs écoutes. C’est peut-être une des caractéristiques des disques de Mendelson, ne pas faire des chansons faciles, faire des albums denses… Pourtant ça vaut le coup. Et il me semble qu’il essaye d’illuminer certains de ses titres sur cet album, qu’il a un côté moins monolithique que les précédents. L’ambiance générale est assez épaisse, mais ponctuée par des morceaux qui paraissent plus légers, en tout cas aux couleurs plus « pop » (la vie est pleine de surprises, Je me réveille, les petits frères des pauvres), ou sa voix s’ouvre et son cynisme prend soudain quelque chose de positif, évoquant un Charlélie Couture, ou encore un Dutronc jeune.
Mais globalement, les ambiances sont plutôt sombres. Et assez ambitieuses: Une conception de l’orchestration proche d’une certaine frange du rock anglo-saxon. (On aperçoit la pochette d’un disque d’Arab Strap et celle d’un Can sur la photo de couverture). L’écriture de Mendelson est dure, arythmique, scandée, et souvent cynique, presque désabusée, Ses histoires d’un quotidien parfois douloureux, d’histoires d’amour passées aux arrières goût amers ne laissent pas indifférents. Pas facile, vraiment. mais vraiment pas mal aussi.

Foster Jenkins
Mendelson, on aime ou’ on aime pas, mais il y a une chose qu’on ne peut pas lui retirer: l’intégrité. Oh, le vilain gros mot en 2003. Intégrité parce qu’il n’a jamais sucé son public, jamais écrit pour la masse, toujours avec son sourire narquois, bien vissé sur un visage d’enfant-tête à claques, Ce nouvel album, proche d’un Murat en forme (sûr que ce parallèle va lui déplaire, à Mendelson) jongle entre intimité dévoilée et pop pas conne, avec des mots entre moqueries pas vaches et cynisme rafraîchissant (si, si, ça existe). Conclusion: les amateurs apprécieront et les détracteurs serreront les poings, ou, on peut rêver, feront l’effort d’écouter ce disque atypique, personnel jusqu’au bout, pour, au final,
changer d’avis.

Eliot Massoud

 

 


ROLLING STONE – Octobre 2003

Pas forcément facile à pénétrer, l’univers de Mendelson. avec ses chansons affichant un total mépris des conventions. Mais on ne peut rester insensible aux textes évocateurs de Pascal Bouaziz. ses détails qui font mouche et son ironie désabusée.
Plus près de Bashung que de la Star Ac.

Thierry Chatain

 

 


LE MONDE – ADEN du Mercredi 22 octobre 2003

Surgit de la banlieue armé d’un premier album intriguant, le groupe Mendelson, emmené par Pascal Bouaziz, n’a jamais cessé d’élargir son domaine d’intervention, ni de se remettre en question à chaque album. Alors que paraît troisième effort, la formation retrouve son public avec sa musique aventureuse.

 

 


 

Télérama n° 2811 – 28 novembre 2003

Il y a quelques bonnes années, Pascal Bouaziz s’avançait à pas feutrés sur la scène rock en murmurant un très durassien « tu n’as rien vu à Combs-la-Ville ». C’était déjà sous le nom de code Mendelson, vrai groupe, mais vraiment au service des chansons dudit Bouaziz que revoici dépressif et regonflé : tranches de vie, bouts de chronique tutoyant le banal et pourtant d’une espèce rare puisque travaillant avec le même soin la matière sonore et le foisonnement textuel.
Ce qui situerait l’ambition de Bouaziz & Co du côté de la cour des grands, n’étaient les faux airs de frilosité qui lui font comme une écharpe d’éternel redoublant. Entre ce que ça voudrait être (J.J. Cale à Ménilmuche ?) et ce que ça évoque (Murat pour une certaine mollesse vocale, Louis Chédid pour le « presque-parlé »), se dessine dans les brumes spleenétiques une silhouette attachante.
On tend l’oreille comme Pascal Bouaziz doit le faire au café, cueillant les conversations ; rentré chez lui, il parle avec lui-même, parle beaucoup ; derrière lui, languides ou déchirées, des guitares à la Neil Young, le bourdon millésimé d’un orgue Hammond, il s’arrête, respire un peu, semble improviser la VF d’un vieux Randy Newman (Lonely at the top), et berce jusqu’à plus soif des blessures de guerre intime plus ou moins tamisées de cynisme élégant.

François Gorin

 


POPnews novembre 2003 – interview
Le troisième album de Mendelson est inchroniquable… L’art de surprendre y est élevé au rang de loi absolue. Ce disque est définitivement trop déroutant pour être raconté dans l’espace trop étriqué d’une chronique de webzine. Le mieux était donc de rencontrer le très grand (ndlr : 1m90, 1m95 , 2m ?) Pascal Bouaziz et de le laisser s’expliquer sur cette œuvre inclassable…
J’ai l’habitude de commencer par des questions stupides du type : en ce moment, que lis-tu, que regardes-tu et qu’écoutes-tu ?
(Longue hésitation)… Ce que je regarde en ce moment : « Ordinary People » de Robert Redford. ce que je lis…hum…je viens de finir « La conjuration des imbéciles » et ce que j’écoute, c’est la question la plus dure pour moi :… le dernier Ween.

Justement, j’ai pensé à Ween à l’écoute de « Seuls au sommet »… Dans l’idée d’une musique débridée, presque loufoque… j’ai l’impression que l’album a été enregistré quasiment live.
Ah oui oui. En fait j’écrivais les chansons la semaine et le week-end on les enregistrait. Guitare, basse, batterie et je faisais souvent la prise voix en direct et puis, avec Charlie O., le clavier, on réarrangeait des trucs les week-end suivants. Les autres ayant repris des boulots, on pouvait se voir que le week end de toute façon. On a donc travaillé comme ça : du « live » retravaillé par derrière.

On sent même parfois une certaine improvisation…
Oui, effectivement c’est un truc qu’on peut se permettre étant donné qu’on joue ensemble depuis longtemps. Mais bon, c’est compliqué de parler d’improvisation car c’est souvent mal compris par les gens. Souvent dans l’improvisation, les gens se regardent jouer et c’est tout.

Je pensais plutôt à une marge de liberté laissée à chaque membre mais toujours dans la limite de la trame mélodique de la chanson. C’est aussi quelque chose qu’on sent au niveau des textes…
C’est ce que je retiens de Ween, cet aspect « on se refuse rien ». On a envie de faire un merengue avec un mec qui prend un accent espagnol grotesque sur des textes hyper noirs et hyper drôles à la fois, on le fait et on le fait très bien. Là pour cet album, on a enregistré tout ce dont on a envie et si on part dans une direction, on va à fond dedans et on voit à la fin ce qu’on en fait. Effectivement, il y a un côté très décontracté, très libre… Quand ça fonctionne, on le garde et on bosse dessus. Et c’est vrai que les derniers textes sont vachement plus… décontractés, j’ai envie de dire ça, je dis ça et je me pose pas plus de questions.

Oui, ça me fait d’ailleurs penser à cette chanson assez ambitieuse dans son format et dans son texte « Les petits frères des pauvres ». On dirait presque une performance. Le texte ne semble pas pré-écrit.
(Sourire)… Ah ben ça c’est du boulot. C’est du travail pour que t’arrives à penser qu’il n’est pas écrit.

C’est qu’on croît vraiment à une inspiration instantanée.
Ce que je dis souvent c’est que ce qui paraît naturel suppose en fait un travail monstrueux. Et pour que ça coule tout seul et qu’on ne voit justement pas le travail, c’est un travail dingue. Justement, « Les petits frères des pauvres », c’est un de mes plus vieux textes qu’on avait pas réussi à mettre sur l’album précédent. Du coup, on a fourni un travail énorme. Je tenais beaucoup à ce qu’il figure sur l’album. On l’a donc retravaillé, remonté…
Finalement, je n’ai pas eu trop de mal à l’écrire ce texte, j’ai surtout eu du mal à couper dedans.

Mais est-ce que sur des chansons de ce format là, la voix ne devient pas un instrument au même titre que les autres ?
(Hésitations)… Ça, je ne saurais pas te dire. La voix comme un instrument… Oui, effectivement, c’est une évidence pour moi. Y a ce que je dis et puis y a comment ce que je dis se marie avec le reste.
Mais je suis content que t’aime bien « Les petits frères des pauvres », parce que ç’a été un très long chemin…

Ca a du effectivement être assez compliqué. J’ai du mal à penser l’enregistrement d’un tel morceau (ndlr : 11 minutes…).
Ben, c’est un enregistrement sur quatre ans… On a enregistré la section rythmique en 99…

Et toi, tu la supportes toujours cette chanson après 4 ans de genèse ?
Ben oui, c’est même une de mes préférées. Pour moi, il se passe tellement de choses dans les textes… Je les aime beaucoup. J’aime bien les gens dont je parle… Ils me font rire. Et tant qu’ils me font rire, ça va.

Tes textes sont dans l’ensemble assez explicites. J’ai l’impression que tu pourrais presque citer des noms, que tu pourrais raconter ta vie et ton environnement dans sa réalité la plus pragmatique.
Disons que si je peux piquer un truc dans la « vérité vraie », si ça fonctionne dans la chanson, j’hésiterai pas à la faire. Mais personne ne s’en apercevra. C’est déjà arrivé d’ailleurs…

Justement quelle est la part de fiction ?
Enorme, énorme. Même si je mettais un vrai prénom, ça serait jamais la vraie personne, ce serait toujours déformé. Par exemple, dans « les petits frères des pauvres », la première phrase c’est : « Dehors, les petits frères des pauvres essayaient vaguement de se faire des amis ». Bon, la part de fiction est monstrueuse, j’ai jamais vu des petits frères des pauvres essayer désespérément de se faire des amis (rires). Mais on avait un local de répèt qui était juste en face d’un magasin qui était tout le temps fermé qui s’appelait « Les amis des petits frères des pauvres ».

En fait, ça part d’un non-évènement…
Voilà, et puis c’est tellement bizarre cette phrase « Les amis des petits frères des pauvres ».

Je ne suis pas très calé en art contemporain mais ça ressemble un peu à du « ready-made » non ?
Ah oui, « in situ ». Et puis y a aussi Patrick Bouvet qui a écrit un bouquin où il chope des phrases dans les journaux…
C’est-à-dire que tout peut rentrer dans les textes; sur cet album-là je ne me suis vraiment pas mis de barrières… C’est à dire que si je regarde « Striptease » à la télé et que je vois un truc incroyable je me dis que ça pourrait rentrer dans un texte. Mais généralement ce que je mets dans les chansons c’est des choses que je reconnais ailleurs. Si je regarde « Striptease » et que je me dis « Ah oui, ce personnage là je l’ai déjà vu quelque part »… Faut quand même que je sache de quoi je parle.

Mais tu parles aussi beaucoup à la première personne…
Ben le « je » c’est vieux comme le monde… Mais c’est pas forcément moi. A partir du moment où c’est moi qui écris, que je dise « tu », « il » ou « je », le résultat est de toute façon le même. Ça vient comme ça, je commence à chanter et au bout de 3 lignes, le texte demande la suite.

Justement, si l’ensemble des textes de l’album sont plutôt des chroniques, des observations de la vie quotidienne, il y a une chanson dont le thème sort de ce type d’écriture, « Bienvenue à Lacanau » (ndlr : une histoire de suicide).
La chanson démarre sur un mec qui a une fuite dans son plafond. Ben, un jour j’ai eu une fuite dans mon plafond (sourires)…

Donc t’as imaginé la mort d’une voisine ?!…
Oui, d’une voisine au-dessus et de ce que je trouve chez elle. Ensuite, y a le voisin qui débarque…

T’avais envie d’écrire sur ce thème en particulier ?
Oh non pas du tout, j’écris jamais sur des thèmes… Je me dis jamais « Pascal, faut que t’écrives sur tel ou tel truc ». C’est encore un simple mécanisme d’enchaînement. Et là, en l’occurrence, c’est parti d’une simple histoire de fuite dans le plafond.

Où et quand écris-tu ?
(Hésitations)… En général, il me faut une grande période d’inactivité. C’est à dire sans production de chanson, sans promotion, sans concert… Je suis à la maison, tranquille, je lis des livres, je vois des films, j’écoute des disques. Bien sûr, ça vient pas tout seul, comme ça, mais je me rends disponible. Je m’organise. Faut que mon bureau soit bien rangé, que tout soit en place.

Le premier album de Mendelson avait eu un succès critique assez important …
Oui, surtout auprès des Inrocks. A ce propos, les gens ne connaissent souvent de Mendelson que le titre « Je ne veux pas mourir », paru à l’époque sur une compil Inrocks. Beaucoup de gens aujourd’hui me reparlent de ce titre en me disant qu’ils aiment beaucoup ce qu’on fait… mais en général ils ne connaissent que cette chanson ! S’ils aiment tant que ça pourquoi ils ont pas acheté les deux premiers albums ? Ce qui est assez hallucinant c’est que sur la tournée de promotion du deuxième album des gens venaient nous voir en nous demandant quand allait sortir… le deuxième album. Ce sont des situations très frustrantes… Il y a plein de gens qui savent pas qu’on a sorti un deuxième album… Ça me rend fou… C’est vraiment dur d’avoir un relais de communication dans les médias…

Mais ça a un côté… un peu effrayant aussi Mendelson, tu crois pas ?
Ben oui, mais les gens qui aiment bien les films d’horreur, ils vont voir des films d’horreur ! (sourire)

Je pensais plutôt à un public plus large…Penses-tu que Mendelson est condamné à un succès d’estime ?
… Moi, quand je lis dans la presse « un album difficile mais qui vaut le coup », ça me laisse dubitatif. J’arrive pas à voir la difficulté chez Mendelson. Oui, il y a des disques que j’écoute qui sont difficiles… mais ce qu’on fait nous, à côté, c’est Casimir !
Y a des trucs de musique contemporaine qui sont autrement plus ardus ! Des trucs dont tout le monde se réclame parfois, comme Suicide, sont pas faciles non plus…A côté d’un film de Bergman, on est des petits enfants !

Mais il ne suffit pas d’être « officiellement » catalogué « difficile » pour être effectivement dur et compliqué…Je pense qu’il y rarement eu plus subversif qu’un Morrissey par exemple qui est pourtant a priori assez facile d’accès. Ca me fait penser à cette chanson sur l’album « Je me réveille » qui, à mon avis pourrait être taillée pour les radios, mais dont les textes sont très acerbes…
… Ah ben c’est justement l’école Morrissey… Je pense aussi aux Kinks qui chantaient des textes d’une noirceur incroyable sur des formats ultra pop ; des chansons comme « Dead End Street » ou « Sisters » sont incroyables… J’adore, ce sont mes chansons préférées… Mais le problème c’est que c’est pas très français en fait. Le mélange d’ironie, de second degré et de tristesse, c’est un truc très difficile à rendre en français, c’est très anglo-saxon… Randy Newman, les Kinks, les Smiths…

Il y a justement une reprise de Randy Newman sur le disque (ndlr : Lonely At The Top) …
Randy Newman, c’est un génie pour moi… Un génie du sous-entendu…

Comment est venue l’idée de cette reprise ?
… On devait enregistrer pour un 45t de soutien à un disquaire à Nantes je crois. J’étais avec Fred, on devait enregistrer tous les deux. J’avais écouté Randy Newman la veille et j’ai soumis l’idée à Fred de faire une reprise… On l’a enregistrée mais elle n’est finalement pas sortie donc on l’a mise sur le disque… Mais c’est un version assez sordide, à la limite du… grotesque ! Je trouve ça assez hilarant.

Il y a parfois chez Mendelson un côté blague de potache assez surprenant. Je pense par exemple à ce morceau final « Mendelzöhn » où tu chantes 17 fois le mot « Mendelson »… Et, du coup, ça désamorce un peu la noirceur des autres morceaux…
Ca c’est l’avantage d’être son propre producteur. On s’empêche pas de mettre sur un disque un truc qui nous fait rigoler… En l’occurrence, ce morceau est issu d’une improvisation… Je crois que je venais de voir « Lost Highway » et y a un morceau de Rammstein sur lequel le chanteur chante « Rammstein » (ndlr : avec l’accent et l’intonation) (sourire)… Je suis rentré, je me suis rappelé de cette impro et j’ai rajouté le chant ! Une forme un peu absurde d’auto-célébration !

En parlant de production, pourrais-tu nous parler de la structure Rec-Son ?
En fait, j’avais besoin de monter une association pour gérer les droits du disque et donc Rectangle-Mendelson a donné Rec-Son…

C’est vraiment le fruit d’une collaboration ce disque…Il y a 5 logos sur le disque : Rec-Son, Rectangle, Prohibited, Mains d ‘Oeuvres et Life-Live…
Oui, Rec-Son, Rectangle International, Prohibited Records… C’est des gens que je connais depuis très longtemps. Life-Live est le tourneur de Mendelson depuis 1998. Ca fait aussi un long moment qu’on bosse ensemble. C’est des gens très chouettes…Je me suis donc retrouvé qu’avec des gens avec qui je travaille depuis longtemps.

Quel rôle a joué Mains d’Oeuvres dans la réalisation de cet album ?
Sans mains d’œuvre, on aurait tout simplement pas pu le faire. On a eu cette résidence, ce local et on a commencé à répéter. Et puis, un mec que j’ai rencontré, qui s’appelle Nicolas Becker, qui est bruiteur de cinéma, nous a prêté du matériel et on a commencé à enregistrer. Et puis Charlie O. a commencé à s’équiper…
Donc, non on aurait pas pu le faire… Ou sinon on aurait fait des maquettes cassettes. Mais pour moi, l’idée c’était de ne pas passer par l’étape maquette… Enregistrer un morceau, le répéter pendant trois ans pour enfin peut-être l’enregistrer définitivement, ça me disait pas. Non, je voulais passer un an à enregistrer autant que je voulais et puis prendre les meilleures versions…

Ca consiste en quoi une résidence à Mains d’Oeuvres ?
On te prête un local et c’est parti. Il y a une émulation incroyable là-bas. Y a plein de gens qui bossent. C’est très motivant ! Tu assistes au concert puis tu redescends bosser jusqu’à 2 h du matin… Ça n’est pas qu’un local. Il se passe tout le temps un truc. Ce qui fait que tu ne peux pas rester assis sur ta chaise et attendre.

Que penses-tu de la scène indépendante française actuelle ?
… Je trouve qu’il y a environ deux ans, il s’est passé beaucoup de choses mais qu’aujourd’hui, c’est un peu retombé. C’est dur. Il y a deux ans, Mains d’Oeuvres s’est monté, y avait un super programmateur à la Guinguette, au début du Nouveau Casino y avait des trucs pas mal… Il y avait une dynamique générale, du moins à Paris… Et aujourd’hui j’ai du mal à retrouver ça…

Mais selon toi, cette régression est artistique ou strictement économique ?
C’est un désastre économique ! Les salles ferment, les asso s’écroulent, les labels mettent la clef sous la porte…

Tu ne penses pas que ça va justement redonner un vrai sens à l’indépendance ?
C’est ce que je me dis. Dans les situations de crise, tout le monde s’y remet… Mais c’est vrai que c’est dur quand justement l’indépendant devient un argument de vente et qu’on nous fait avaler un énième groupe anglo-saxon à qui on a dit que les guitares étaient à la mode.
Mais bon, c’est vrai que les situations de crise ont des avantages… Tout d’un coup, y’a une vraie marge qui se met en place, une vraie entraide…

Que s ‘est-il passé avec Lithium ?
Vincent, le patron a tout simplement pas accroché aux nouvelles chansons… Et donc je me suis dit « Sans rancune, on a plus les mêmes goûts »… Ça l’intéressait pas trop et moi j’y croyait vachement. C’est tout.

Ca n’a pas été trop dur de digérer cette divergence ?
Ben non, c’est qu’une histoire de goûts, c’est tout. Ce qui a été vraiment dur c’est de continuer tout seul. Trouver le financement pour enregistrer, etc…

Pour finir, peux-tu me parler de cette pochette à tiroirs ? Qu’est-ce que tu as voulu y mettre ? (On se met à « lire » la pochette de droite à gauche)
Alors, là c’est Hendrix (ndlr : coin bas à droite), ensuite, sur la table il y a « La ballade impossible » de Haruki Murakami. Ca c’est un fanzine qui s’appelle Hit Records (ndlr : sur la baffle de l’ampli Marshall) pour lequel j’avais écrit des textes. Ca c’est la pochette du premier album de JJ Cale qui est un chef d’œuvre absolu. Au dessus, c’est le deuxième album des Talking Heads. Puis là, il y a le premier album de Can. Un peu caché y a un live de Leonard Cohen (ndlr : à gauche de la statue). Puis « Philophobia » d’Arab Strap (ndlr : sous l’ampli Fender). Caché derrière, il y a Miles Davis. Là il y a un casque (ndlr : sur la commode à gauche de Pascal), c’est un casque de chantier « Travaux Publics ». Charlie O. a participé à toutes les compil de « Travaux Publics » et puis c’est aussi un hommage à Village People qu’il aime beaucoup (sourire). Là il y a Roxy Music (ndlr : au premier plan )… Et puis les photos de tous ceux qui ont participé au disque.
Ah ! Et puis là aussi, le petit bonhomme (ndlr : sous l’orgue), c’est le dos d’un maxi 45t de Mercury Rev à l’époque où ils étaient bons. La photo est issue d’un film qui s’appelle « Le ballon rouge », c’est le premier film que j’ai vu…

Propos recueillis par Refau.

 


 

 

OCTOPUS, du 13 décembre 2003 au 24 janvier 2004, supplément de Mouvement « la revue indisciplinaire des arts vivants ».

 

Seuls au sommet, nouvel album, confirme la position singulière du groupe MENDELSON. Qu’une chanson n’a rien a voir avec des textes artificiellement plaques sur de a musique, qu’elle se construit avant tout autour d’ambiances, c’est ce que parvient encore à démontrer un groupe tel que Mendelson. Pas moins désabusé que le précédent par moments, son nouvel opus s’avère cependant plus direct. Pour le meilleur.
« Entre notre premier album et Seuls au sommet aujourd’hui, sept années se sont écoulées. il n’y a quasiment que le nom du groupe qui n ‘a pas changé depuis. Qu ‘est-ce qui a changé chez les Beatles entre 1963 et 1970 ? Je ne sais même plus qui j’étais en 96, ce qui me passait par la tête quand on enregistrait. » Telle est la réponse de Pascal Bouaziz, membre fondateur de Mendelson avec Olivier Féjoz, lorsqu’on l’interroge sur la manière dont le groupe a évolué depuis ses débuts. Sur Seuls au sommet, ne serait-ce que musicalement, on est effectivement assez loin parfois de l’intimisme un brin déprimant qui marquait ses premières productions, même si, dans l’ensemble, les intentions qui sous-tendent ce troisième album, pas plus qu’une certaine forme d’humour non dénué de tendresse, n’ont guère varié.
Des changements radicaux, le groupe en a pourtant vécu. De configuration par exemple, aussi bien que de maison de disques. « On a commencé à deux, commente Bouaziz, on a été jusqu’à sept sur scène et à Présent on fait des concerts à quatre. On a toujours fait ce qu’on pouvait, avec ce qu’on avait et ceux qui étaient là pour le faire. Toutefois, ce n ‘est pas une démarche que d’être à géométrie variable! C’est juste la vie qui fait que les gens vont et viennent. » Ainsi sont passés dans leurs rangs des musiciens issus du free jazz, la contrebassiste Joëlle Léandre et le saxophoniste Daunik Lazro principalement, ou l’iconoclaste Noël Akchoté, qui, en produisant Quelque part, leur a apporté des couleurs particulières. L’ organiste Charlie O. s’est installé, tout comme Quentin Rollet dont la présence coïncide avec le passage du label Lithium à Rectangle/Prohibited Records: « Sans Lithium, je ne sais pas où on en serait à l’heure actuelle – pas très loin probablement, peut-être même qu’on n aurait rien fait du tout. Ceci dit sept ans de travail en commun, ça laisse des traces. Ce qui n ’empêche pas non plus qu’à un moment on ne soit plus tout à fait sur la même longueur d’ondes, qu’on n ait plus le même goût pour les mêmes choses. Je connais Prohibited depuis 1990. Comme avec cet album nous tenions à tout faire et assumer seuls, il était normal de se tourner vers des amis pour avoir un coup de main. »
Petit à petit, c’est donc à Main d’œuvres, à Saint-Ouen, que s’est monté Seuls au sommet, au cours d’une résidence d’un an: dans un local de répétitions, tous les week-ends, au fur et à mesure de l’écriture des morceaux. Pour le mixage, une autre année fut nécessaire qui s’écoula de Studio gratuit en studio gratuit, la nuit, quand on leur laissait les clés. A ce propos, Nicolas Becker et Fabrice Conesa, qui viennent du cinéma, ont apporté au mixage « un truc » auquel Bouaziz n’aurait pas naturellement prêté autant d’attention: une touche particulière qui tourne autour de la matière, de la profondeur et du contour du son, et qui saute aux oreilles sur un morceau comme L ‘Ardèche. Au bout du compte, Seuls au sommet s’avère différent. De toute façon, Mendelson s’imaginait mal refaire ce qui avait déjà été tenté: « Parce qu’on change aussi. Et que l’on s’est toujours laissé guider parce qu ‘on faisait plutôt que de décider à l’avance de ce qu’on allait faire. L idée, c’était de faire exactement l’inverse du précédent, dont on avait répété et joué sur scène les morceaux pendant deux ans avant d’aller en studio. »
Du côté de l’écriture, avec Je me réveille, clin d’oeil aux Kinks, on s’aperçoit qu’il était aussi question de faire plus simple, fluide et direct: « La seule chose qui compte, c’est que ça coule tout seul » En gros: que ce soit le plus naturel possible, ce qui représente un travail énorme et un paquet d’influences parfaitement digérées, dont Bob Dylan, Lou Reed ou Townes Van Zandt. Ou encore, et surtout, Randy Newman, repris sur la chanson-titre, et Elvis Costello, auquel Ce n’est Plus la Peine est une allusion, tous deux pour des raisons comparables: « Le ton, le débit les paroles, un mélange de douleur viciée, de méchanceté et de vulnérabilité affichée. »
Ce qui donne un mélange doux-amer, avec un sens de l’image et du détail dans l’esprit des road movies et des nouvelles contemporaines à l’américaine, servi par une exigence pas si courante en France, que Mendelson partage avec Manset, Bashung, le Nino Ferrer des années 70 ou la bande à Saravah pour les anciens, Diabologum, Herman Dune ou Red pour les modernes. Probablement est-ce aussi l’influence qu’ont exercée sur Bouaziz de films comme Route One USA, L ‘Humanité ou Nord, et de la banlieue où il a vécu.  » Dans nos chansons, c’est souvent là que vivent ceux dont on raconte l’histoire: ça nous distingue forcément des chansons écrites sur les gens qui se promènent au jardin du Luxembourg ou vivaient à Pigalle dans les années 30. »

Philippe Robert.


Ici et en exclusivité pour le site mendelson, l’ intégralité de l’ entretien par mail sur lequel Philippe Robert de OCTOPUS s’est appuyé pour écrire son article:

Votre album, « Seuls au sommet », est très différent du précédent, « Quelque part », et de ses ambiances parfois débridées qui devaient certainement beaucoup à la production de Noël Akchoté et à la présence des musiciens de jazz Joëlle Léandre et Daunik Lazro. Différent aussi du tout premier.  Peux-tu parler de l’orientation que Mendelson souhaitait prendre au moment de l’enregistrement de ce troisième opus…
Oui, oui, c’est très différent, parce qu’on s’imagine mal refaire ce qui a déjà été fait, et puis qu’on change aussi naturellement. Et que l’on s’est toujours laissé porter par ce qu’on faisait plutôt que de décider à l’avance de ce que l’on allait faire.
Au départ de « Seuls au sommet », la seule idée c’était de se donner les moyens d’enregistrer nous-mêmes les morceaux quand on le voulait. Faire exactement l’inverse du précédent où l’on avait répété et joué sur scène les morceaux de « Quelque Part » pendant deux ans avant d’aller en studio. Là on s’est dit on enregistre pendant un an tout ce qui nous passe par la tête et à l’arrivée on voit ce qu’on a entre les mains.

Un morceau comme « La Vie est pleine de surprises », qui ouvre l’album qui plus est, révèle un côté de Mendelson apparemment plus léger. On a d’ailleurs dit, dans la presse, que le groupe avait gagné en fluidité… Tandis que les autres morceaux semblent d’une certaine façon revenir à une veine plus intimiste, marquée par la quotidienneté.
Au niveau des paroles bien sûr, l’ensemble s’avère globalement moins étouffant -ça n’a d’ailleurs jamais été lourd, au contraire. Musicalement, les dérives soniques finissent toutefois toujours par s’installer sur la longueur…
Pour l’écriture c’est vrai que j’avais décidé de faire plus « simple », plus fluide plus direct tout simplement. En même temps, « la vie est pleine de surprises », comme je me réveille », comme les « petits frères des pauvres » sont des morceaux déjà assez anciens (98/99). Donc qui date d’avant la sortie de Quelque Part. Donc peut-être que tout ça est un hasard, ou peut-être qu’il nous fallait plus de temps pour faire de vraies bonnes versions de ces chansons.Quand à la « longueur » des morceaux » : Quand un morceau dure, c’est qu’il nous semble qu’il est moins fort ou moins bien, ou qu’il perd de son sens quand on essaye plus court. Et puis qu’on aime bien quand c’est bien que ce soit plus long aussi. Personnellement quand j’aime un morceau chez les autres, ça me fait toujours du mal quand il s’arrête.

Qu’est-ce qui différencie finalement « La Vie est devant », le premier disque, et « Seuls au sommet » ?
Il y a 7 ans de différences entre « L’Avenir est Devant » et « Seuls au sommet ». Il n’y a quasiment que le nom du groupe qui n’a pas changé depuis.
Tu te rends compte ? Qu’est-ce qui a changé chez les Beatles entre 63 et 70 ? Je ne sais même plus qui j’étais, ce qui me passait par la tête, en 96, quand on enregistrait notre 1° album.

Pourquoi avoir quitté le label qui vous soutenait depuis vos débuts (Lithium) pour une coproduction entre Rectangle et Prohibited Records ? Quelles relations -que j’imagine privilégiées- entretenez-vous avec ces deux dernières structures ?
Bon d’abord je sais pas où on serait à l’heure actuel sans lithium. Mais on aurait pas été très loin certainement.
Peut-être même qu’on aurait rien fait du tout.
Ceci dit, sept ans de travail en commun ça laisse des traces…Comme les vieux amis tout simplement. Des fois, à un moment, on est plus tout à fait sur la même longueur d’ondes. On a plus les mêmes goûts pour les mêmes choses.
Les gars de Prohibited Records, en fait un peu par hasard, je les connais depuis 1990 par là, depuis les tous débuts de leur groupe Prohibition.
Jamais perdu le contact. Je suis parti les accompagner en tournée un temps. Bon c’est des vieux amis quoi . Et donc Quentin Rollet, du label Rectangle, je l’ai connu par eux. C’est lui qui m’avait présenté Noël Akchoté, et puis Charlie O., organiste et co-producteur du disque et qui jouait avec nous de temps en temps depuis 98, je crois.
Et puis Quentin a joué avec nous sur scène toute la tournée « Quelque Part ».
Enfin bon, donc, comme le propos pour cet album ça a été de tout faire et assumer tout seul, c’était normal de se tourner vers des amis pour avoir un coup de main.

Que réponds-tu si on te dit que ta façon de chanter, certaine élocution, rapellent Miossec et Jean-Louis Murat, voire Gérard Manset.
Miossec, malgré tout le respect que je lui dois et bien que pour l’avoir croisé une ou deux fois, je crois que c’est un mec bien, et que j’adore lire ces interviews, je vois pas. Jamais compris qu’on nous rapproche. L’écriture n’a pas grand chose à voir. Le débit, je ne crois pas non plus.
Murat je comprends un peu plus. Quoi que ce n’est pas quelque chose que je recherche. Mais je sens bien des fois que les mêmes contraintes (chanter en français) donne des résultats un peu voisins. Et peut-être sans m’en rendre compte c’est la même chose aussi pour Miossec, (que j’aime bien encore une fois, je le répète, parce que des fois on est mal compris. « La fidélité », sur son deuxième album est vraiment une très bonne chanson).
Manset, comme Bashung dont on m’a parlé beaucoup aussi et que je cite dans l’album, pour le coup, je les ai beaucoup, beaucoup écouté, alors ça transpire forcément un peu.
De toute façons, on part toujours de ce qu’on connait pour faire quelque chose même quelque chose qu’on espère être originale.
Enfin tout ça, plus David Mac Neil, Nino Ferrer en 70, ou la bande à Saravah, ça va comme rapprochement, c’est plutôt flatteur.

Un certain succès commercial déplairait-il à Mendelson ?
Certainement pas, non. Quelle idée ? A qui ça déplairait ? Plein, plein d’argent non plus ça nous déplairait pas.
Sans parler de succès, de toute façon, pouvoir vivre de notre musique, ce serait déjà pas mal.

Les textes sont-ils écrits avant la musique ? Ou l’inverse ? Comment intègres-tu ceux-ci à la musique ? (C’est particulièrement réussi !)
Des fois oui, des fois non. La seule chose qui compte pour nous c’est que ça coule tout seul. Qu’on se pose pas la question un seul instant. Que ce soit le plus naturel possible. Et le naturel c’est un gros, gros travail comme je le dis souvent un gros, gros travail qui ne se voit pas. C’est le principe. Pas possible comme c’est ingrat comme métier.

Pascal, quels sont tes influences musicales, et surtout pourquoi ? Dans quelle mesure t’ont-elles marqué ? (Townes Van Zandt ? ? ?)
Ouh la. Les influences musicales, c’est énorme, c’est trop de choses, trop de gens, trop de disques. Surtout que des fois c’est très mystérieux comment ça réapparait dans les chansons. Une chanson comme « Tout refaire », sur le disque si je dis aux gens que c’est Sly Stone qui me l’a inspiré, ça fait rire. Et ben pourtant, c’est ça.
Après quand même, avec Les Kinks, les français déjà cités au dessus, Lou Reed, Mick jagger, les Talking Heads, Townes Van Zandt (Alternative Country des années 70)…Etc…Etc…Dylan, à lui tout seul, doit être l’influence la plus énorme mais je suis pas sûr du tout que ça s’entende.
Faut pas oublier non plus, toute la musique soul/funk américaine : Isaac Hayes, qu’est un génie, Curtis Mayfield, « Now you’re gone » et tout l’album « Roots », Sly Stone, James Brown, « I don’t want nobody de give me nothing, open up the door i’ll get it myself » et Jimi Hendrix, bien sûr.
En gros, si on résume, Isaac Hayes qui reprend les Beatles, ou Jimi Hendrix qui reprend Bob Dylan : C’est le bout du monde, un peu le truc ultime.

Quelles sont tes influences en matière de textes, chantés ou non ? (Peux-tu parler des influences éventuelles d’Elvis Costello sur « Ce n’est plus la peine » ou des Kinks sur « Je me reveille »).
L’influence en matière de textes, c’est un gros mélange de dialogues de films, un bout d’une chanson, un passage d’un bouquin, ça plus la vie normale, les gens dans la rue, etc, etc…
Elvis Costello, « This Year’s Model », son deuxième album, m’a vachement marqué. Le ton, le débit, les paroles, le mélange de douleur viciée et de méchanceté, la vulnérabilité affichée et puis juste derrière un retournement et la pire vacherie imaginable. Costello comme Dylan, c’est aussi quelqu’un qui a le sens de l’humour et du grotesque. Et puis son groupe à la grande époque, les Attractions, c’était quand même pas mal.
Les Kinks, c’est le côté mélange d’une musique hyper gaie et de paroles terriblement noires ou amères ou méchantes chantées tout gentiment, comme ça, mine de rien. Ray davies c’est un génie pour ça. Toutes leurs chansons « sociales » sont comme ça aussi. Dead End Street, Back in the Line.
Sur « Je me réveille », dans le pont de la chanson, il y a une sorte d’hommage à une chansons de « Village Green Preservation Society ». Mais il n’y a que moi qui l’entend je crois bien.

Quels sont, par exemple, les cinéastes ou les écrivains dans lesquels tu te retrouves ?
On va plutôt mettre ceux que j’aime, c’est pas garanti que ça se retrouve dans ce qu’on fait.
Haruki murakami, Antonio Lobo Antunes, Georges Perec quand il fait des romans, en france : Jean Rollin, Lydie Salvayre.
Les cinéastes : Kurosawa, Bergman, Fellini, (Quelle originalité n’est-ce pas ?), Route One USA de Robert Kramer…Des passages de « l’humanité » de Bruno Dumont, « Nord » de Xavier Beauvois…

De quels groupes français vous sentez-vous proches ?
Les Married Monk sont des amis. Diabologum, c’était super. Les Herman Dune quand ils chantent les deux ensemble, c’est vraiment très bien. Le premier album de Red était magnifique. Katerine sur scène est quasi imbattable. Très drôle. Grande classe.

Peux-tu parler de la pochette du disque : de sa signification, des signes que tu y as laissés ? Par exemple, on y aperçoit des pochettes de disques de Can, Roxy Music, JJ Cale.
Oui et puis Fela, Miles Davis, les Talking Heads, Leonard Cohen.  Un bouquin sur Dylan, une photo de Jimi Hendrix. J’y ai juste mis les gens que j’aimais.
Dont les photos de tous les gens qui ont bossé sur le disque.
Voilà l’idée c’était d’y mettre un peu de ce que j’aimais dans la vie. Des batons de Samouraïs, une « Habbaya » du Liban, des instruments de musique, une lampe de ma grand-mère…

Quant au titre du disque, faut-il y voir une allusion au « Lonely At The Top » de Randy Newman ? Vous partagez un même sens de l’humour parfois cynique, non ?
Ah oui, oui, c’est un hommage à Randy Newman. D’ailleurs il y a la reprise de « lonely at the top » dans le disque. C’est pas tellement cynique qu’il faudrait dire…Je sais pas bien quel mot il faudrait trouver. En tout cas j’aimerais bien partager au moins un peu de son sens de l’humour. Mais il est vraiment, vraiment beaucoup trop fort. Un jour peut-être.

Mendelson est-il un groupe à géométrie variable ?
Je sais pas quoi dire à ça. On a commencé à deux. On a été jusqu’à sept sur scène. Maintenant on fait des concerts à 4. On a toujours fait ce qu’on a pu, avec ce qu’on avait, avec les gens qu’étaient là pour le faire. C’est pas une démarche d’être à « géométrie variable ». La vie fait que les gens vont et viennent. Mais fondamentalement c’est toujours plus ou moins les mêmes gens qui sont là depuis longtemps maintenant.

Qu’ont apporté de spécifique à la production Nicolas Becker et Fabrice Conesa qui viennent du cinéma ?
Ils viennent surtout du son dans le cinéma, les bruitages, les ambiances…Donc c’est tout une école de la matière sonore, un truc auquel moi naturellement je ferais moins gaffe. Donc c’était pas mal de mixer avec eux, moi je m’occupais de la musique, en gros, et eux de la matière, de la profondeur, des contours du son. En gros, bien sûr, parce que ce sont tous les deux de gros fans et de gros connaisseurs en musique.
J’ai beaucoup appris avec eux deux et je continue.

Dans quelles conditions « Seuls au sommet » a-t-il été enregistré ?
On a enregistré à Mains d’ oeuvres, St Ouen, pendant un an, dans un local de répétition, dans le cadre d’une résidence là-bas. Tous les week-ends, petit à petit, au fur et à mesure de l’écriture des chansons.
Et on a mixé, pendant un an aussi, de studio gratuit, en studio gratuit, la nuit, quand on nous laissait les clés.

Revenons en arrière : avant la mise sur pied de Mendelson. Quel fut pour toi le « déclic », ce qui fait qu’aujourd’hui tu es musicien ?
Aucune idée sur un déclic. Pas de révélations. Petit à petit, je me suis rendu compte que c’est ça que je voulais faire. Ou que je ne voulais vraiment rien faire d’autre.
J’ai longtemps voulu rien faire, du tout, dans la vie. (A part être à la retraite.)
Disons que j’ai fait ça parce que je trouvais le temps long.(Avant la retraite.)

Quelles furent tes premières expériences en la matière ?
Premières expériences : Chansons en anglais, pas terribles, en 90-91, déjà avec Olivier. En 94, après quelques tribulations, on a commencé à écrire le 1er album, « L’Avenir est Devant ». (Olivier Féjoz, bassiste, membre fondateur et co-compositeur de la plupart des chansons de Mendelson.)

Comment as-tu rencontré ceux qui, avec toi, allaient former Mendelson ? Quelle était votre motivation ? Ce qui vous a amené des balbutiements j’imagine, au premier album, puis de celui-ci à aujourd’hui ?
Avec Olivier, on s’est rencontré sur les bancs de la faculté, comme on dit dans les clichés. Plus précisément dans les couloirs en faisant la queue pour les inscriptions en 90. Je lui ai dit au bout de 5 minutes qu’on devrait faire de la musique ensemble, il m’a dit ouais ? Bof, si tu veux. Je crois à peu près que c’est ça qu’il a dit.
Meïr, le batteur, depuis 97 et jusqu’à cet album, on l’a rencontré par petites annonces.
Pierre-Yves Louis, on l’a débauché d’un autre groupe. Les autres j’ai raconté au dessus.

Quelle influence la banlieue a-t-elle sur la musique de Mendelson ? La vie que tu y mènes peut-être ? (Saint-Ouen ?)
La banlieue, j’y suis né, j’y ai grandi, j’y ai vécu, j’y vis plus. Dans les chansons, c’est souvent l’endroit où les gens dont j’essaye de raconter les histoires vivent tout simplement. Donc fondamentalement, ça nous distingue des chansons écrites sur les gens qui se promènent au jardin du Luxembourg, et des chansons écrites sur les gens qui vivaient à Pigalle en 1930.

Quels sont les projets de Mendelson ?
Continuer à sortir des albums, à faire des concerts, à écrire des chansons, tant qu’il y a des gens que ça intéressera. Si, un jour malheureusement, ça n’intéresse plus personne, ou plus assez de gens pour qu’on puisse continuer et ben on arrêtera tout ça. On ouvrira une crêperie en Bretagne. Ou un atelier poterie, en Ardèche. Je sais pas encore, je suis pas fixé.

 


PRESTO

MENDELSON fait du rock social et dresse en treize morceaux un constat teint de sombre de la condition humaine plutôt orinetée trentenaire en emploi précaire (musicien !) et vivant dans une quelconque banlieue parisienne. Dylan et Springsteen font aussi du rock social, mais MENDELSON y ajoute des doses massives de détachement, de provocation et d’humour noir. Sur ce troisième album, on aura un instant cru à l’ouverture au monde du groupe (précédemment catalogué dans les bacs « rock autiste »), le temps d’un « Je me réveille » carrément gai (dans son rythme du moins, les paroles sont à l’habitude assez glaçantes). Las, les chers démons pointent et les chansons-anecdotes de la vie reprennent leurs manières tristes et lucides: implacable noirceur des vies de couple (« Toi et moi » et surtout « Ce n’est plus la peine », merveille de rock malade et qu’aurait pu chanter un bright Eyes aviné…), anecdotes et décryptages du quotidien… Et cette gaieté froide de pince-sans-rire qui fait la merveilleuse singularité de ce groupe avec son ton plus parlé que chanté. Le registre musical s’étoffe (on est désormais au-delà du free-rock), l’univers des déceptions et des rémissions s’accroît, le discours s’allonge (les onze minutes des « Petits frères des pauvres » en témoignent) mais paradoxalement, MENDELSON s’éloigne de la facilité et devient de plus en plus underground dans sa façon d’être. Ce qui, à nos yeux, est le plus droit chemin vers la reconnaissance et le mérite… Disque d’exception.

Julien Courbe

 

 

 


 

DDO

A l’image du chaloupé titre d’ouverture, la vie est pleine de surprises, le troisième album de Mendelson déroute à première écoute. La monochromie des deux premiers laisse ici place à une explosion de couleurs. Pascal Bouaziz, âme du groupe, use de toute la palette de ses influences: rageuse chanson de rupture, imparable ballade, court-métrage au générique d’une beauté inouïe… Rien n’y manque. Pas même la reprise de Randy Newman. Seuls au sommet est un de ces albums qu’on s’approprie progressivement. Quelques mots qui s’imposent – « sommeil efface le temps, et le temps efface le pire »-, une intonatin de voix sur l’ Ardèche, la délicate montée d’un orgue Hammond sont des premiers jalons. Peu a peu les repères se rapprochent et, presque à notre insu, nous nous sentons désormais chez nous, nous sentons que ce disque est cohérent, important, qu’il est l’un de ceux qui nous accompagneront longtemps. Dans la veine d’un Carver ou d’un Murakami (dont La ballade de l’impossible apparaît sur la pochette du disque entre autre anges tutélaires), l’écriture acérée de Mendelson se joue des jeux de mots ou des métaphores comme des formats habituels de la chanson. Un disque juste.
Jean-Christophe Planche.

 

 


LONGUEUR D’ONDES

Toujours ancré dons le social, le propos de Mendelson est aujourd’hui à son zénith dons un album d’une grande richesse, le troisiéme d’une carrière sans concession. Résolument rock, leur registre musical est un condensé d’érudition, un melting-pot d’influences diverses et variées cheminant de Dylan à Sonic Youth, de Manset à McNeil. Plus ouvert que jamais, le groupe propose un enregistrement charnel et organique, enregistré dons les conditions du live et mis en onde par N. Becker et F. Canesa, qui ont précédemment mis leurs talents respectifs au service du cinéma. On entre sur la pointe des pieds dans cet Univers confectionné à partir d’histoires vécues ou fantasmées, puis trés vite on se laisse emporter par ce tourbillon de mots, de notes, de sensations. La voix ensorcelante de Pascal Bouaziz participe de cet état de fait, en distillant son venin jusqu’à un total abandon.

Alain Birman

 

 


CHRONIC’ART

Pascal Bouaziz est un type bien. Il m’a déposé à deux reprises en bas de mon immeuble et à chaque fois, je serais bien resté un peu plus longtemps à discuter avec lui dans sa voiture… En plus d’être bon conducteur et d’agréable conversation, Pascal Bouaziz a surtout sorti un très bon troisième album sous le nom de Mendelson, le bien nommé Seuls au sommet.
On trouve assez choquante l’idée répercutée par la plupart des médias selon laquelle Mendelson occuperait une place à part dans le paysage audiophile français, une place soi-disant d’outsider, en porte-à-faux avec la meilleure chanson française (pourtant évidente d’influence dans ses chansons, à commencer par Bashung). Comme si c’était lui qui refuserait suicidairement le succès quand c’est tout un pays qui a les oreilles bouchées. Qu’il soit en marge des traditionalistes foireux de la « nouvelle chansons française » (ces jeunes vieillards), la question ne se pose pas et ne vaut même pas la salive d’en parler : si beaucoup écoutent Vincent Delerm et si peu écoutent Mendelson, c’est pour la raison suivante : Pascal Bouaziz a beau chanter en français, Mendelson est en fait un groupe américain. La preuve : on l’a eu de visu lors du Mofo Festival à Mains d’Oeuvres où, programmés aux cotés de Daniel Johnston, des Mountain Goats ou de Herman Düne (le meilleur groupe américain des Hauts-de-Seine), Mendelson a livré une prestation qui a su parfois éclipser en intensité et en américanité tous les groupes à l’affiche. Comme Songs:Ohia ou un Crazy Horse en apesanteur, la musique de Bouaziz et de ses hommes joue avec intelligence sur les textures sonores (électriques et acoustiques, toujours naturalistes), les morceaux s’étirant en intensités rampantes, débouchant sur des conclusions souvent lumineuses (Je me réveille, tube impossible dans un pays atteint de surdité chronique), parfois implacablement rageuses et terroristes (Ce n’est plus la peine, renvoyant la plupart des groupes en colère actuels à leurs chères études), proposant toujours une vraie complexité musicale derrière une apparente simplicité (L’Ardèche, Retour à Lacanau, constructions magnifiques). Mendelson joue une musique d’une richesse absolue, qui dépasse les évidentes influences américaines (mais les journalistes sont des paresseux, c’est bien connu, moi y compris), une musique cultivée mais pas ramenarde, jusque dans ses dissonances, souvent d’une fausse nonchalance.
Et puis il y a ces textes incisifs, ce chant apparemment détaché, ces mots bien choisis, ce talent de narrateur, de conteur dont Pascal Bouaziz (à qui je paierai peut-être l’essence la prochaine fois…) est l’un des rares et derniers dépositaires dans ce pays. On dira avec facilité que ce type prouve que l’interdit est levé, que l’on peut faire du rock américain en France et qu’on peut en plus le chanter en français, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Mais là-dessus on ne va pas trop en rajouter, il vous suffit d’écouter le disque de Mendelson, Seuls au sommet, c’est le troisième. Et il porte bien son nom.

Etienne Greib.

 

 


 

LE PETIT BULLETIN

Déontologiquement, il est d’usage de ne pas écrire sur les amis. Le problème c’est qu’avec les années on a de plus en plus l’impression que les mots de Pascal Bouaziz sont ceux de notre confident le plus proche, que les élans musicaux de sa tribu sont ceux de notre bande de potes la plus indécrottable. Les témoignages concordent, on écoute pas Mendelson, on est fan. On découvre un nouvel album avec la fébrilité et l’hystérie de la groupie, on échange ses impressions avec l’ensemble de la confrérie, on calque ses dialogues sur les morceaux de bravoure de Monseigneur Bouaziz, on rit, on pleure, on a envie d’ hurler son amour et de faire partager ce bonheur à la terre entière, on se sent l’ âme prosélyte. Et on a bon espoir, car loin de l’image injustement intello et difficile des débuts les gens de Mendelson en se rapprochant de leurs aspirations profondes, une musique et des mots pétris d’ Amérique dans un paysage résolument hexagonal livrent avec « Seuls au sommet » un disque immense, véritable album-monde auquel on accorderait volontiers une thèse. L’espace faisant défaut, remettons-en nous à notre seule fougue qui on l’espère, éveillera chez le destinataire de ces lignes, le désir de rejoindre cette belle famille.

EA


 

A NOUS PARIS -10 au 16 Novembre 2003

Plus accessible que son prédécesseur, le troisième album deMendelson, engage aussi la formation parisienne dans une voie plus rock. Ce léger virage (lacet?) n’est nullement un reniement car les ingrédients qui ont fait la singularité et la force d’expressivité de ce groupe exigeant sont toujours présents sur « seuls au sommet » textes ancrés dans la réalité sociale, chant du talk-over, humour et observation grinçants. De même en arrière plan une écoute attentive révèle nombre d’interventions free au saxophone, nappes d’orgues et larsens en contrepoint harmonique qui donnent au disque une profondeur de champ. Toi et moi, Je me réveille, L’Ardèche, Soixante ou Qu’est-ce que tu veux autant de pavés dans la mare de la chanson en français, autant de vraies réussites.

VG

 

 


INTRA MUROS

Musicalement inspiré par les années 70, MENDELSON, groupe français, est de plain-pied ancré dans notre époque.., dans ses textes cyniques et narquois. Le groupe avoue également des passions pour Townes Van Zandt, Sonic youth, Gérard Manset ou bien encore Elvis Costello, Dylan et les Kinks. Ça donne une petite impression de la musique que délivre MENDELSON sur ce troisième album baptisé « Seuls au sommet ».

 

 


COURRIER CADRES – Du 3O octobre au 5 novembre 2003.

Des tranches de vie noires ou drôles racontées avec une fausse désinvolture. Ça mord, mais sans jamais être cynique. Dans ce troisième album, le groupe brasse joyeusement les genres. Guitare (électrique), batterie (moqueuse), et choeurs (aériens) se succèdent sans heurts en un rock original.

 

 


START-UP

Timide changement de tonalité pour ce nouvel album: les feuilles mortes sont tombées, mais les rayons de soleil ne pointent toujours pas leur nez. C’est qu’ici on vit paradoxalement en sous-sol, les volutes de l’ orgue Hammond apprivoisant le caractère enfumé du disque. Les textes sont
désabusés et le jeune Bashung est parfois évoqué dans ses articulations. On est en présence du dépressif et de l’antidépresseur: voix grave, notes jamais gratuites, poussées fiévreuses, tout est libre et l’ on en vient à se demander qui est seul au sommet.

Guillaume De Maria

 

 


Tecknikart N°77 – Novembre 2003

La chronique de Pascal Bouaziz

Chers amis,
Excusez-moi de vous déranger comme ça, tout à trac (pendant votre sieste). Mais il faut absolument que je profite de l’espace et de l’occasion exceptionnelle de cette chronique pour me faire le porteur d’une immense et merveilleuse, belle et bonne nouvelle: Mendelson, à l’heure où j’écris ces lignes, est sur le point de sortir son déjà culte, extraordinaire et mythique troisième album: «Seuls au sommet». Alors, ça, si c’est pas beau, ça, hein ? Bon, je vous le dis comme je le pense, et c’est pas la première fois que je le dis, c’est la grosse tuerie grave. Tout est dans cet album, tout est dans Mendelson et tout est beau. Et ces paroles, mon Dieu, ces paroles… En plus, le chanteur, il est hypersympa.
En gros (vous allez voir là que je simplifie): Lou Reed serait pas mort. En fait, on dirait qu’il s’appelle Leonard Cohen, et qu’il chante les chansons de Dylan, accompagné par l’orchestre de Curtis Mayfield. Rien que ça. Pas plus, pas moins. En toute honnêteté. Et c’est moi qui vous le dis. Et là, vous, vous me dites, mais alors quoi ?
Pas une seule boucle filtrée, ni gros kick qui tabasse. Pas de séquence, pas l’ombre de l’ombre du retour du revival électro-clash… Zéro featuring, pas de Versaillais. C’est même pas chanté par une petite fille (y a pas de vidéo porno sur le Net). Y a pas Peaches en guest sur la photo. Rien. Queud. Nib. Oui alors, pourquoi donc nous dérange-t-il avec tout ça ? La réponse, comme souvent, nous vient des Etats-Unis. Citons, pour l’exemple, Lester Bangs, le célèbre critique américain: «Mendelson est peutêtre, tout simplement, la meilleure chose qui soit arrivée en France depuis l’invention de l’électrophone.» Qui, je vous le demande, pourrait se permettre le luxe de passer à côté d’un tel album? Hum… Je ne sais pas. Sincèrement, non, là, je vois pas. Certaines tribus aborigènes peut-être, je veux bien… Quelques peuplades isolées de Sibérie orientale, à la rigueur. Ou alors quelqu’un qui travaille vraiment, vraiment beaucoup? Mais, entre nous, je sais que vous n’êtes pas de ceux-là. Voilà. C’était tout. Je vous remercie beaucoup de m’avoir laissé la parole. Bon courage à tous et à toutes. Continuez à faire ce que vous faites. J’aime beaucoup. Vous êtes très beaux.

Pascal Bouaziz est le chanteur de Mendelson.
Dernier disque: «Seuls au sommet» (Prohibited Rec/Chronowax).

 


Chronique parue précédemment dans le mensuel Belge pop-rock Rif-Raf daté de novembre 03.

Tu prends le clic-clac ou le matelas gonflable ? Dans la vie les choix remplissent le barillet puis on joue à la roulette russe comme Christopher Walken dans ‘The Deer Hunter’. « Et si je pouvais tout refaire, je choisirais d’être le même mais je ne referais peut-être pas tout pareil. » (‘Tout refaire’). ‘Seuls au sommet’ pose les bonnes questions au travers d’un travail sur l’accident des mots ; se coltinant le réel comme on se prend un mur, la plume de Pascal Bouaziz est d’une impressionnante porosité sociale. Et dense ; c’est une tâche de vin qui gangrène le Soppalin. A pas de loup, la langue de Bouaziz, cet ogre gentleman, cambriole les boîtes noires de l’esprit, chipote sur des mécanismes d’horlogerie, des balanciers humains, à peine éclairé par une lampe torche frontale. Derrière il y a un groupe qui gronde, qui feule.
« Nous ne sommes pas préparés ? ». Voire… Ausculter ses promesses, fourrager dans le non-dit pour se sentir vivant, ça donne ‘Ce n’est plus la peine’, chanson de rupture coagulée avec les mots de la rupture, une plaie, un stigmate. « Un jour c’était l’enfer, un jour t’étais juste. (…) j’aurais pu être heureux avec toi ok c’est bon tout le monde sait bien qu’on est pas là pour ça. (…) je ne voudrais même pas reconnaître qu’on se connaissait, c’est fini, c’est passé, j’ai plus l’âge, je ne me souviens même plus de ton visage, je ne voudrais même plus boire un café avec toi, je ne tiens pas à connaître ton histoire, j’ai plus la force, plus le courage, j’ai du changer, je ne suis plus le même, dis toi que j’ai pris un long, un grand virage, je ne me souviens même plus de ton visage. » Mais cet album, c’est aussi de sérieuses décharges de groove inattendues entre les coups de grisou car ‘La vie est pleine de surprises’, jubilatoire ouverture en contre-point. Les chansons cinglantes de Mendelson résonnent comme les « putains » de Hyppolite Girardot dans ‘Un monde sans pitié’, pansent un village d’Ardèche qui suinte, incendient des climax en Scope, bientôt le Mexique ; filmes Mendelson, filmes, terrasses-moi, je suis ton rocher. « Qu’est-ce que tu veux de plus ? » On peut aussi dormir par terre en chien de fusil et puis le coup qui part tout seul. Franc du collier, du rock en français qui assume. Formidable.

Fabrice Delmeire

 


Seul au sommet, le nouveau disque de Mendelson nous surprend là où on n’espérait plus grand chose d’une certaine chanson française après le décès de Lithium, ancien label du groupe, et l’album précédent en demi teinte. Mais comme l’indique le titre d’ouverture, la vie est pleine de surprises et ce disque en est donc une excellente.
Si « La vie est pleine de surprises » qui ouvre l’abum est plutôt chaloupé et nonchalant aux allures de reggae, son texte n’en reste pas moins tout aussi incisif que ceux qu’a l’habitude de concocter Pascal Bouaziz.
Ces petites histoires de tous les jours, sordides, drôles ou mélancoliques, nous touchent car ce sont les nôtres, celles d’un parent, d’un ami. Rien de surréaliste là dedans, Mendelson est un poête de la vie ordinaire en somme, il chante la vie, l’amour et les ruptures (« Toi et moi », « Ce n’est plus la peine »).
Toutefois, ce troisième disque de Mendelson est assez différent des 2 précédents, comme le deuxième était déjà différent du premier. Si ce n’est que l’on sent sur Seul au sommet une maturité, un signe que l’on imagine, entre les notes, qui indique que le chemin est enfin dégagé. On sent que le groupe est dans ses marques et nous avec.
Car si la façon de chanter de Pascal n’a pas beaucoup changée depuis « L’avenir est devant », l’évolution musicale est évidente et, débarassé de tout complexe, Mendelson s’en va rejoindre ses références.
Ainsi « Ce n’est plus la peine » est résolument rock et brut, tandis que « L’Ardèche » est tout en finesse et en puissance et d’une densité sonore extaordinaire avec la batterie qui semble lutter au coude à coude avec les guitares jusqu’à l’épuisement, arbitrées par un clavier entêtant. Sans doute un des meilleurs morceaux de l’album aux connotations finalement assez post-rock.
« Tout refaire » sonne autant comme du Manset, mélodie, guitare, chant … que « Bienvenue à Lacanau », superbe chanson racontant la découverte du corps de la voisine du dessus du narateur, rappelle fortement le « One day, after school » de Arab Strap et son final en puissance lorgne du coté deSonic Youth.
« Qu’est ce que tu veux » nous conduit de l’autre coté de l’Atlantique et on pense à Sophia ouSmog. Pas de copie mais un son inspiré et travaillé. Ni hommage, ni imitation néanmoins car le son Mendelson s’affirme de plus en plus et, la voix, encore une fois aidant, se fabrique petit à petit une identité sonore qu’assez peu de groupes arrive finalement à obtenir.
Et puisqu’il est question d’hommage, le titre de l’album lui même en est un puisque la chanson titre « Seul au sommet » est une reprise, réussie et sobrement interprétée, en français du « Lonely at the Top » de Randy Newman.
La pochette vaut également à elle seule de posséder ce disque car elle regroupe, hormis le concept singulier d’annoncer que ce disque est composé de « 2 faces de musique C et D compilées sur un seul CD », des tas de petits détails visuels qui occuperont sans nul doute vos longues soirées d’hiver à retrouver de çi de là la pochette du Philophobia d’Arab Strap ou bien la couverture de tel livre, ou encore comme le dit avec humour un internaute sur le forum de Mendelson, le véritable casque de monsieur playmobil… et ouais !
Un album à découvrir qui participe sans aucun doute au renouveau d’une certaine scène rock française qui n’a plus à rougir de ses modèles anglosaxons.Froggy.

POLITIS du 11 décembre 2003.

 

LA VIE SEULEMENT
Rock. Le style des images du quotidien de Mendelson nous touchent par leur vérité.

ON ATTEND UN NOUVEL ALBUM de Mendelson pendant des années et on est à deux doigts de rater sa sortie. Heureusement, si l’événement ne suscite aucun éclat médiatique, d’autres réseaux fonctionnent pour rattraper l’affaire. Dans ces conditions, un titre comme « Seuls au sommet » peut paraître chargé d’ironie et il l’est sans doute, mais peut-être est-ce moins important que de savoir qu’il s’agit d’une reprise de Randy Newman ( » LonelyAt The Top ») bien sûr chantée en français et dans une version saignée à blanc et accablée de silence, l’unique morceau sur lequel Pascal Bouaziz se retrouve seul comme il l’est sur la pochette. Pas tout à fait seul d’ailleurs puisque entouré de photos des musiciens et autres complices, d’instruments de musiques et de disques innocemment posés à ses pieds JJ. Cale, Roxy Music. Innocemment ? Sûrement pas pour JJ. Cale qui fait l’objet d’une allusion dans « Qu’estce que tu veux ». On ne sait pas trop pour Roxy Music, au petit jeu des references, Mendelson n’est pas particulièrement un client facile.
Sa musique non plus. C’est un constat et un compliment. Elle demande et merite une écoute attentive, que l’on y consacre du temps et de l’attention. Moins pour cause de complexité que par sa construction : les guitares qui déchirent des lambeaux dans les cieux plombés, l’orgue à vif, les rythmes congestionnés par la douleur ou la lassitude et les mots qui s’enchaînent lentement pour raconter des tranches de vie pleines d’espoirs partis en fumée et d’amours perdues sur un ton amer, désabusé, fatigué, qui laissent un goût de cendre dans la bouche et amènent parfois des phrases terribles mais surtout terriblement justes.
Des phrases comme celle-ci : « On parle mais c’est pour rien, on parle quand on a plus le choix / On parle pour que ce ne soit pas la fin, on parle pour ne pas rentrer chez soi. » La vie qui saigne mais la vie et la vie seulement, comme chantait Bob Dylan. Dans un style narratif, les chansons avancent lentement, droit devant elles, c’est leur destin. Les refrains sont rares, mais il y en a plus ici que sur les disques précédents. En fin de disque, après une série de courts métrages, Mendelson passe au long format avec « Les petits frères des pauvres », de plus de dix minutes. Les groupes capables de nous entraîner sur des trajets aussi longs ne sont pas aussi nombreux. Ceux dont on attend vraiment les disques non plus.

JACQUES VINCENT.

 


A DECOUVRIR ABSOLUMENT – décembre 2003.

La rencontre avec mendelson c’était via un premier album coup de poing (une habitude chez lithium) et une chanson (par chez nous) poignante, effrayante, appuyant là où ça fait mal en ayant pris la précaution d’y saupoudrer du sel sur la plaie avant. Seuls au sommet, c’est avec cet album que mendelson est de retour, alors que lithium a touché le fond, Mendelson toucherait il le sommet artistique. Sur ce nouvel album Pascal Bouaziz et sa bande (sa famille ?) nous offre tous, son intérieur, véritable caverne d’ali baba à tiroirs, où rien ne semble être là par hasard ! Au hasard un album d’arab strap. Indice révélateur, simple coïncidence ? De là à rentrer dans cet univers comme dans celui des écossais il n’y a a qu’un pas que nous ne franchirons pas, par trop de précaution, mais surtout car ce disque fourmille d’indices. Comment ne pas penser que Bouaziz a du pas mal écouter l’oeuvre de Mark hollis, rétrécissant au maximum les silences (toi & moi) donnant à Murat le devoir de revoir certains de ses textes, s’il voulait s’aligner sur cette chose, bouleversante plongée. Si Mendelson cherchait son tube sa marque dans le quotidien des gens  » je me réveille  » est une de ces fantastique pop song parfaite, trop rare dans l’univers français, entre le meilleur de chedid (le père oui quand même) et les fulgurances lumineuses de Dominique A. D’un texte plus parlé, Bouaziz invente, comme peut le faire Desplechin au cinéma, une pop song aux allures romanesques mais direct. C’est là où mendelson a changé, c’est qu’il a su prendre une focale différente à son viseur, incluant le décors à ces histoires, pas par esthétisme plutôt pour mieux expliquer. Unité de temps  » soixante dix  » (l’arab strap cristallin, ou les tindersticks sans tension, juste l’appel de la mémoire), unité de lieu, l’intriguant l’Ardèche (un mark hollis bruyant) ou bienvenue à Lacanau (une pierre de plus dans le jardin de ceux qui vomissent la chanson française, une pierre brûlante et dramatique), unité de mémoire, quand Mendelson se prend et s’éprend de Randy Newman pour une chanson titre en plein dépouillement avant le fleuve (les petits frères des pauvres) une chanson d’une vie, un basculement dans le grand tout, sans les règles du jeu castratrices. Alors Mendelson pourra tout contrebalancer de façon comico satanique, comme contrepoids à cette quasi pureté. En se normalisant Mendelson se montre encore plus à nue, c’est juste ici une question de lumière, celle des grands sommets.